Lutte avec l'insomnie par philippe lhardy

CHAPITRE 5


UN ROMAN POLICIER


La maladie qui coule dans mes veines s'aggrave. Ma tête perd de plus en plus souvent le contrôle de mon corps et des spasmes mortels parcourent mon corps sur tout son long. Aucun remède ne semble faire effet. Mon esprit lui-même vacille. Combien de fois ai-je du quitter l'écran de mon ordinateur pour aller déverser un flot de bile liquide. Au début de ce livre, les symptômes n'était pas visibles. J'espère que je vivrais assez longtemps pour pouvoir connaître le sort réservé à mon oeuvre. J'aimerais tant que ce soit le SIDA, au moins je saurais pourquoi mon esprit perd toute sa cohérence... Mais ce ne peut pas être le SIDA. Certes je devrais garder cela pour moi, mais ce n'est pas agréable à vivre.

Mireille stoppe sa Porsche 911 sur le bord la chaussée. Une longue file continue de voitures disparates bloque tout accès au parking. Elle descend en même temps que Serge qui sans faire attention pose brutalement le pied à plat dans une flaque. Le bas de la jambe droite de son pantalon marron s'obscurcit instantanément. Dans le ciel seul un grand rayon laser frappe l'attention gommant ainsi l'attraction des étoiles peu visibles ce soir-là il est vrai. C'est d'ailleurs grâce à lui que Mireille a trouvé son chemin. On perçoit aisément les lourdes vibrations dues aux basses. La 106 des amis de Serge stoppe sur la bas-côté. Une voiture grise métallisée semble hésiter avant de se ranger sur une place libre. Son seul occupant marche en sautillant rapidement pour ne pas perdre le groupe qui attend à l'entrée. A l'entrée une queue d'une quinzaine de personne s'est formée. Serge discute avec Stéphane en tenant Gaëlle par la taille. Mireille pose sur le groupe une regard apparemment amusé qui cache sa mélancolie d'un passé qu'elle pense révolu.

Un videur assez musclé ouvre la porte et questionne "Combien êtes-vous ?". La musique souffle perceptiblement de l'air vers l'extérieur. Mireille se retourne et dénombre dans sa tête "Six...". A la caisse Mireille prend trois places. Elle tend un billet de cinq cent francs que la caissière déplie avec soin. "Pour toi et ton amie..." dit-elle en tendant les coupons plastiques donnant droit à une consommation gratuite. On pose les affaires aux vestiaires.

Quelques personnes derrière eux, l'homme à la voiture métallisée discute en retrait avec le videur. Le videur hoche la tête, il semble le connaître. Une stature imposante supérieure à la moyenne devrait attirer les regards. Sous sa large veste noire le col d'une chemise très claire déborde bien que retenu par une cravate en soie. Un pantalon très droit sans aucun pli stoppe à la bordure des chaussures noircies au cirage brillant. De plus près ses cheveux blanchissants lui donnent la quarantaine approchante.

Vos paupières deviennent lourdes, lourdes, vous ne sentez déjà plus vos doigts joints, vos doigts s'évaporent puis vos épaisses mains, vos pieds lourds, vos longs avant-bras, vos oreilles délicates, vos protubérantes chevilles, vos mollets mous, votre nez frais, la tête disparaît, les jambes aussi, tout le corps s'est envolé. Seul reste maintenant votre nombril incrusté qui vous contemple. Dans ces conditions comment continuer à lire ? Ne vous inquiétez pas, je me charge de vous réveiller.

Serge se poste avec Gaëlle sur le bord de la piste en attendant que leurs amis commencent à danser. Mireille regarde un peu partout et finalement dit au couple "C'est vraiment immense ici." N'entendant rien Serge lui fait répéter puis signifie avec les mains que c'est une évidence. Cette discothèque s'étend sur deux étages contenant chacun plusieurs pistes. Gaëlle regarde les jeunes accoudés à la balustrade en fer de l'étage du dessus. Stéphane connaît bien ce genre d'agencement, il se souvient de sa récente sortie au "Central" des champs Elysée où l'on peut aussi regarder les gens danser du dessus. Au "manoir" aussi. Cette architecture classique permet de repérer facilement la future-conquète-de-la-soirée. C'est ce qui le pousse à monter à l'étage. L'assemblée suit mécaniquement. Beaucoup de danseurs occupent déjà la piste supérieure, mais le groupe entier trouve une place assez large et commence à sautiller tranquillement.

Pendant ce temps, dans les vestiaires s'opère une fouille méthodique. Après avoir soigneusement retiré sa veste et l'avoir posée à l'écart, l'homme décroche le manteau de Mireille et s'assoit tranquillement dans un coin. Il vérifie systématiquement les poches et passe sa main sur le contour des ourlets. Ne trouvant rien d'intéressant il range le manteau et attaque la fouille du sac peu volumineux. Dans ce sac, la seule feuille est celle de l'avis de décès de monsieur Abiard sur laquelle une main a inscrit "100 exemplaires". Un lourd porte feuille ne dévoile que peu d'articles captivants. L'homme est inspecteur de police. En ouvrant le porte feuille il découvre une photo de mariage visiblement récente de Mireille et de Robert inséré à la place réservée pour une pièce d'identité. Il prend garde de tout remettre à sa place. Il note avec attention son contenu avec la pointe de son stylo-plume de marque. Sur un carré de papier blanc un numéro de téléphone griffonné avec deux dates périmées intéresse fortement l'inspecteur. Sans trop de conviction il note aussi le rendez-vous dentaire et le numéro de téléphone qu'une autre carte stipule. Un coupon périmé de réduction dans un magasin de chaussure, des tickets de stations services et une carte indiquant les diverses teintes de rouge à ongle n'apportent pas d'autres informations. Sur son petit calepin l'inspecteur recopie aussi les numéros de la carte d'identité, du permis de conduire ainsi que ceux de la carte grise et du certificat d'assurance. Puis il rend le tout à la personne s'occupant des vestiaires en la remerciant. Enfin il entre dans la salle.

Le barman regarde curieusement Eric lui commander un verre de vodka orange en lui tendant son coupon. Puis Eric se déchaîne sur la piste. Je peux vous le dire, je suis à côté de lui et il surpasse mes efforts pour me démarquer. Pourtant chaque battement électrise un de mes mouvement et mon corps entier marque son inaptitude à se contrôler. Mais Eric s'agite à la manière d'un gourou pris d'une transe au cours d'un rite vaudou. Tel une balle plastique lâchée dans un cube transparent il heurte des parois invisibles. L'estomac plein d'alcool, un kangourou excité poursuit une autruche mal à l'aise. Annabelle qui se demande toujours pourquoi elle a accepté de venir s'écarte ostensiblement de ce danseur dérangeant. Mireille s'est assise à une table et tente de discuter avec Gaëlle. "Tout ce que j'ai fait je l'ai fait pour Serge" explique Gaëlle. " Et ce que je fais c'est pour mon mari." rétorque Mireille. " Votre mari savait pour... ?". Mireille tourne les yeux vers le mur, "Il n'aurait certainement pas compris...". " Vous ne l'aimiez plus ?". " On dit souvent que c'est au moment où l'on perd quelqu'un que l'on s'aperçoit de sa valeur. Je ne sais pas qui pourra remplacer Robert maintenant.". Les mots ne sortent plus, la musique les avale. "...Move your body".

J'aurais avec plaisir décrit la scène à l'aide de la caméra miniaturisée de Dodo, mais Dodo ne supporte pas la fumée. Un nuage de poussières brûlantes attaque sans pitié les yeux déjà fatigués des danseurs. Je n'échappe hélas pas à cette malencontreuse règle. Les rampes de spots et les araignées polarisent l'assemblée dans un kaléidoscope de teintes volées à l'arc en ciel et de motifs découpés au sécateur dans un champ d'orchidées.

La série de slows débute. Eric invite Annabelle qui refuse prétextant que Stéphane l'aurait invitée. Curieusement Stéphane est parti au bar. Eric a très bien compris, il ne lui en faut pas tellement plus. Il s'en fout maintenant, cela n'a que très peu d'importance on ne lutte pas contre ce genre de choses. A l'écart, Serge danse avec Gaëlle alors qu'Eric parcourt la boîte sans but précis. Il veut éviter les regards, qu'on ne le juge pas incompétent dans sa tâche de séducteur. Il refuse de regarder tous ces couples qui se collent amoureusement. Pour lui l'attente est très longue. Mireille s'est éclipsée. Elle cherche Bjon près du bar. Il y a très peu de chances qu'elle le retrouve ici, elle le sait, mais elle ne veut pas prendre le risque de manquer une telle occasion. Elle sait que c'est un lieu de rendez-vous très commun pour Bjon. Comme celui-ci refuse de se manifester, il faut qu'elle le retrouve. "Il ne peut pas avoir stoppé ses activités et il semble trop bien programmé pour changer ses habitudes...".

Quand Mireille voit Bjon accoudé au bar en pleine discussion avec une jeune femme, elle prend une pleine bouffée de sa cigarette. Avant de s'avancer elle reconnait la jeune femme. "Mais où ai-je bien pu la voir ?". "Robert me l'a présentée à un cocktail... C'est sa secrétaire !". En quelques secondes Mireille a rétabli le puzzle, elle comprend maintenant. "Evidemment, il s'avait que je voulais l'inviter et il attendait que j'éloigne moi-même mon mari pour utiliser Justine...". " De deux choses l'une, où l'organisation m'a larguée délibérément ou bien il joue seul... Cela me parait peu plausible vu son manque d'esprit calculateur.". Pour éviter qu'ils ne la voient, elle remonte chercher tout le groupe.

De notre côté rapprochons-nous un peu du couple d'un soir.

La haute stature de Bjon surplombe le crâne de Justine bien garni par de longs cheveux soyeux. Bjon ? Un visage carré que vous reconnaissez rapidement pour l'avoir rencontré au détour du second chapitre... c'est l'amant d'un soir.

Justine rapproche sa bouche de l'oreille de son interlocuteur, " Je ne peux accepter d'avoir tué un homme. Te rends-tu compte ? Entre manipuler quelqu'un, mentir ou bien voler et tuer il y a un pas énorme. Tu me l'a fait franchir sans même me prévenir..."

" Je n'y suis pour rien, comment pouvais-je savoir qu'il serait dans son bureau ce soir-là, toi-même tu ne le savais pas !"

J'interromps la situation pour souligner qu'il est vraiment fort probable que Bjon s'éloigne ici quelques peu de la vérité.

" Peu m'importe, il est mort à cause de cette bombe, je laisse tout tomber."

" Tu ne peux pas faire ça ! Ca fait déjà si longtemps que l'on travaille ensemble.". Bjon enlace Justine par la taille. Elle se dégage vivement.

" Ca aussi c'est fini !"

" tu ne va pas faire de bêtise au moins !" dit Bjon en roulant des yeux assez énormes pour qu'on devine leur rondeur. Sa main droite se crispe avec force sur le biceps de Justine qui ressent la douleur. Justine entrevoit le danger. Pour la première fois elle réalise que son ami n'est pas si calme et si posé qu'il en a l'air. Elle se surprend même à penser qu'il pourrait être extrêmement dangereux. Elle a peur.

" Non, je trace un trait définitif sur le passé, je me retire. tu n'entendra plus parler de moi". Et Justine sort avec empressement sans se retourner. Bjon ne bouge plus, il ingurgite son verre lorsqu'un jeune homme vient lui demander du feu. Il sort avec attention son briquet de sa poche. Le jeune homme tourne alors la tête vers une balustrade où une femme hoche la tête en signe d'acquiescement. Mireille vient de signaler à Serge qu'il s'agit de la bonne personne. Serge dévisage ostensiblement Bjon qui semble ne s'apercevoir de rien puis retourne voir ses camarades.

" Que fait-on maintenant ?"

" Il va falloir l'attendre dehors pour noter le numéro de sa voiture et que Stéphane s'il veut bien tente de le suivre jusqu'à chez lui."

L'inspecteur en complet noir réajuste sa cravate en suivant du regard Stéphane et Serge sortir de la boîte. Bjon se lève finalement et sort derrière les deux garçons. Mireille entraîne le reste du groupe vers l'extérieur. L'inspecteur décide de suivre le dernier cortège.

Quand je ferme les yeux, l'atroce m'apparait. Cette horreur qui vient de ma propre pensée, ces murs qui écrasent les corps de personnes chéries, ces dents qui croquent dans mes propres parties, ces balles qui transpercent les filles qui s'approchent trop de moi, je ne peux plus les supporter. La maladie rôde... J'ai de plus en plus peur qu'elle mène à la folie.

Plusieurs coups de feu retentissent, Mireille s'écroule touchée au sein droit, Eric a aussi été atteint, la balle lui a arraché le nez et le haut de la mâchoire. Mireille s'écroule à terre. Eric porte la main sur sa figure et s'écrit "Pourquoi ?". le son d'un moteur poussé à haut régime indique que l'agresseur s'enfuit toutes lumières éteintes sans laisser crisser les pneus. Serge aperçoit ce qu'il pense être une automobile japonaise. "Prend la Porsche ça ira plus vite... presse-toi..." s'écrit Serge à Stéphane qui cherche alors nerveusement les clefs de la Porsche dans le manteau de Mireille. Déjà les videurs arrivent à pas rapides devancés par l'homme au complet noir. Dans une automobile proche, un couple dérangé dans son action lève une tête bicéphale vers le petit groupe agglutiné autours de Mireille. Stéphane attrape fébrilement la clef et cours vers la voiture. "Restez ici et occupez-vous des blessés." continue d'ordonner Serge. Stéphane insère la clef dans la serrure et tourne, il se penche pour ouvrir la porte de Serge. Serge aperçoit le personnel de sécurité pratiquant la respiration artificielle sur Mireille. "Elle n'est pas morte !". Il s'engouffre dans le siège en cuir alors que le moteur rugit. la Porsche heurte sans grand dégâts l'arrière de la voiture garée devant, puis s'extirpe de la place où elle est coincée. Stéphane passe avec difficulté les vitesses, il n'est pas habitué à une telle puissance. Il cherche comment allumer les phares. Serge les lui allume. La voiture qu'ils poursuivent a atteint un petit village proche, dans lequel la vitesse est limitées à quarante cinq kilomètres heure à cause d'un tournant vicieux. Stéphane pousse le moteur. Voyant le virage se précipiter sur lui, il pile, la Porsche continue droit, les pneus larges écrasent les premières herbes d'un champ avoisinant. Deux marques parallèles de gomme noire indiquent maintenant la fausse manoeuvre sur la chaussée. "Fais gaffe, ne nous met pas dans le décor." s'énerve Serge. Stéphane passe rapidement de la marche arrière à la première et continue sa conduite de Rallye dans le tournant de Gérocourt. En haut de la côte Serge prévient "Freine, celui-là aussi tourne sec.". Mais Stéphane le passe au frein à main. Serge s'étonne de voir que la voiture est encore sur la chaussée. "Où as-tu appris ça ?". " La chance" ricane Stéphane apercevant maintenant une voiture devant. "C'est celle-là" dit Serge. La route croise assez dangereusement la départementale 915, la voiture blanche respecte le Stop et continue tout droit en coupant les deux voies. Stéphane roule beaucoup trop vite pour s'arrêter, il tente de freiner mais constatant la perte d'adhérence, il réaccélère et passe le carrefour dangereux en risquant de percuter les voitures de la départementale. Mais à cette heure heureusement aucune voiture ne s'expose au pare-choc avant abîmé dirigés par Stéphane vers l'agresseur. Serge serre avec les deux mains les rebords de son siège, sa figure pâlit et tend sur le verdâtre. De plus près Serge constate que ce qu'il avait pris pour une japonaise n'est autre qu'une 205. Le rétroviseur intérieur de la 205 prévient Art (c'est son nom) qu'une voiture le suit à une allure infernale. Art accélère. Stéphane garde sa vitesse, il rattrape la 205 qui continue son itinéraire sur la droite en direction de Boissy l'aillerie. Art pousse le moteur de sa 205 à fond. Serge, profitant de sa situation d'observateur, écarquille les yeux pour voir la plaque minéralogique. Il l'inscrit dans son esprit en se la répétant sans cesse. Lorsqu'Art comprend qu'il est poursuivit par une Porsche, et qu'elle se trouve à quelques mètres derrière lui, il pile brutalement par à-coups en s'aidant du volant. La 205 est sur le point de s'incruster dans le capot moteur devant Stéphane. Celui-ci pile tout en donnant un lourd coup de volant à gauche pour éviter le crash. Serge ne sent plus son coeur, un énorme battement lui a obstrué les oreilles. La Porsche vole dans les champs alors que la 205 continue son chemin. La 205 s'enfuit. Stéphane sort avec difficulté du terrain boueux dans lequel les pneus larges patinent. Serge descend pour pousser puis remonte lorsqu'il se rend compte que c'est inutile. "La chance aussi ?"? Art voyant disparaître la Porsche au loin tourne à droite dans une zone artisanale. Il gare sa 205 et se cache derrière l'obscurité d'un mur. Il réarme sa courte carabine de tir et attend tranquillement.

Non je refuse de laisser deux autres innocents blessés pour rien. Là encore le hasard va m'être très utile.

Le scénario normal est le suivant. Stéphane constatant à la sortie de Boissy qu'il est probable qu'il ait perdu la 205 demande conseil à Serge qui lui dit que ce n'est pas possible." Qu'est-ce que l'on fait maintenant ?". "On regarde s'il n'a pas bifurqué sur une route avoisinante." Et par déduction logique dix petites minutes après la Porsche se gare proche de la 205. Normalement, Art tire deux coups qui atteignent Stéphane et Serge et s'enfuit avec leur véhicule.

Seulement Serge ne perd pas de temps en longeant la route, il aperçoit la 205... Pas de temps perdu...

Derrière la zone artisanale, l'aérodrome reçoit de avions à toutes heures, et ce matin là à l'aube un avion privé atterrit. Art détourne le regard pour voir la manoeuvre de l'avion et n'entend pas la voiture des deux compères se garer. En sortant de la voiture Stéphane voit l'ombre de Art et de sa carabine parcourir la chaussée projetée par le déplacement des lumières de l'avion... L'angle est défavorable au tir. Art ne sait pas qu'on l'a aperçu et il attend. ". Il est au coin, il nous attend avec une arme." indique Stéphane.

Serge se souvient de la discussion qu'il avait eu avec Mireille. " ... j'ai parfois peur, et c'est peut-être une faiblesse où une pensée paranoïaque mais depuis la mort de Robert... un petit calibre suffit, j'en ai un dans ma boîte à gants... Ca me rassure.". Il fait très noir dans la boîte à gants. Une lueur apparaît et la main de Serge se rapproche et se pose sur moi. elle entoure ma crosse, son doigt caresse doucement ma gâchette. J'ai cinq balles dans mon chargeur. Serge me porte à ses yeux et me montre comme un trophée à Stéphane. "Reste ici et approche doucement la voiture. Je vais longer le mur."

Oui je sais: c'est un peu gros ? On ne peut pas penser à tout, Art n'a pas de chance et Stéphane a de bons yeux voilà tout.

Existe-t'il un médicament pour combattre mon mal ? Tous ceux qu'on m'a prescrit n'ont fait que tomber mes cheveux, que gonfler mon ventre et rougir mes joues de plaies boutonneuses.

Ne vous inquiétez pas, Serge ne me lâche pas, il me serre même chaleureusement dans sa paume droite. Je vois le sol et le bas du mur défiler avec un mouvement de balancier. La main de Serge se crispe un peu plus sur ma crosse, sa respiration s'accélère. Le coin du mur s'approche. Art pointe son canon en direction de Stéphane il vise, mais s'étonne de ne pas voir la seconde personne s'approcher.

" Ne bougez pas..." Art tourne de quelques centimètres son canon pointe presque sur le ventre de Serge. D'un côté, derrière un bras tenu j'aperçois l'oeil immense de Serge. De l'autre le front de Art. Le doigt presse ma détente, un ressort comprimé qui retenait mon percuteur en position arrière lâche sa puissance sur la douille. le gaz produit par la combustion instantanée de la poudre expulse son bouchon qui l'empêche de s'extérioriser. Ma tête explose je crache en direction de Art une balle qui se loge sans complaisance dans son orbite droit. Une balle en provenance du chargeur se remet en place dans ma culasse. La dernière pensée d'Art va à sa malchance d'avoir des problèmes en pays étranger. Il ne reste plus d'Art qu'un amas de cellules animales. Mon canon refroidit. Serge me lâche je tombe à terre. Serge réalise immédiatement qu'il vient de tuer un homme, il réalise l'impensable.

Sa devise "Plutôt mourir que de tuer" résonne comme le numéro de la plaque minéralogique d'Art qu'il a inutilement mémorisé. Alors que Serge est incapable de faire le moindre mouvement Stéphane le réconforte : "Il le fallait, il m'aurait tué, tu m'as sauvé la vie.". Stéphane me ramasse et me met dans sa poche, puis il se dirige vers le cadavre de Art et fouille ses habits. Dans son portefeuille presque trois mille francs en liquide, pas de chéquier, une carte de crédit. Un permis de conduire anglais et un passeport étranger. " Je les prends, on ne sait pas cela servira peut-être à ta tante.". Stéphane ramasse aussi l'argent. " De toute façon, il est mort et puis c'était un tueur alors...". Dans la 205 Stéphane trouve une valise avec des vêtements, et surtout un billet d'avion. Il le prend. Stéphane se croit dans un jeu d'aventure. Il se souvient de ces grandes parties avec Julien en maître de jeu. Dans "l'appel du Cthulu" il avait réussi en gardant des indices précieux à en tirer de précieuses informations, il espère faire de même ici. Stéphane utilise un chiffon fait avec un bout de la chemise de l'anglais pour ne pas laisser ses traces. Stéphane réfléchit. " Va dans la voiture, je m'occupe de tout.". Serge s'installe, éteint, dans la voiture. Stéphane enlève les chaussures d'Art et se les enfile. Il marche minutieusement en appuyant bien fort sur toutes les traces qu'il a fait ainsi que celles de Stéphane. Il fait très attention car toutes ne sont pas très visibles. Stéphane me sort de sa poche et me nettoie puis curieusement il me jette à terre où je me salis à nouveau. Stéphane retourne à la 911 et jette les chaussures d'Art dehors. " Maintenant il faut disparaître rapidement.". Stéphane pose son butin tourne avec satisfaction la clef dans le démarreur. Serge réfléchit à son tour. " On retourne à Grisy les plâtres...".

" On va se faire repérer !"

" Non, ils trouveront justement cela trop gros..."

" Mais c'est forcément nous !"

" Les apparences sont contre nous, les apparences..."

" J'ai laissé ton revolver..."

" On prend la 205, laisse la 911 ici !"

" Comment ?"

" On aura qu'à dire qu'on nous a volé la 911..."

" Mais..."

" Vite avant que la police arrive sur les lieux"

" J'espère que tu sais ce que tu fais !"

" Nettoie juste le volant."

Serge prend la clef de la Porsche et casse le carreau conducteur de la 911 avec la clef pour démonter les roues. Il jette la clef par dessus une grille constatant que de l'autre côté il y a une casse. Il montent dans la Peugeot blanche et se regardent. Nerveusement éprouvés ils se dirigent sans dire un mot vers la discothèque. Beaucoup de badauds son sortis. Une voiture de Police est déjà là, le SAMU aussi. Stéphane se gare. Serge nettoie volant et levier de vitesse et enlève soigneusement les housses avant de la 205. qu'il pose ensuite dans le coffre de la voiture de Stéphane avec tous les objets que celui-ci a emporté. Serge et Stéphane arrivent juste alors que les policiers interrogent les témoins oculaires. Serge attrape Gaëlle par son chemisier et l'attire vers l'arrière. " On n'est pas parti Ok ?". Pour pratiquer la respiration artificielle le videur avait retiré le manteau de Mireille. Gaëlle l'a prit et le tient plié en deux sur son bras en faisant très attention de ne pas se rougir les vêtements avec le sang imprégné. Serge s'empresse de remettre dedans la clef de la 911 qui n'aurait jamais du la quitter. Stéphane a eu le temps de prévenir Annabelle de ne rien dire sur leur escapade. Ils ont donc un alibi qui tient debout. Enfin du moins Serge tente de s'en convaincre.

" Comment va Mireille ?"

" C'est beaucoup moins grave qu'Eric..."

" Que s'est-il passé depuis que nous sommes parti ?"

" Pourquoi ?"

" J'ai tué l'homme qui a tiré..."

" Hein ?"

" Oui. Par peur, mais on a tout camouflé, cela ne se verra pas ..."

" Tu es fou "

" Pour l'instant je n'ai pas les idées assez claire pour pouvoir en discuter, il faut que tu me serves d'alibi. Je ne t'ai pas quitté..."

" Rien de spécial..."

" Quoi rien de spécial ?"

" Il n'y a rien eu de spécial. Depuis que tu es parti on attends comme tout le monde que la police arrive."

Serge enlace Gaëlle et la serre assez fort pour qu'elle puisse le sentir grelotter. Il penche sa tête vers son oreille et murmure " Ne me laisse surtout pas tomber, j'ai besoin de toi.".

Les policiers prennent les noms des témoins et demandent à plusieurs personnes dont Stéphane et Serge de passer le lendemain au poste pour signer une déposition.

Le retour en 106 est très silencieux. Stéphane conduit vite et Annabelle le regarde. Derrière eux, Serge enlace Gaëlle et lui murmure des paroles en forme de sanglots.

Serge ne peut s'endormir. Il regarde fixement le plafond et tente d'affaiblir sa conscience. Sa morale lui parle et le fait souffrir. Dés qu'un de ses yeux se ferme la tête d'Art explosée par la balle lui apparait. Il sursaute, un malaise profond l'assaillit. Il ne peut s'empêcher de penser qu'il aurait pu le blesser uniquement, lui tirer une balle dans le bras ou dans une jambe. Juste l'immobiliser. Permettez moi pour une fois de juger Serge, il est coupable, coupable d'avoir pris l'arme de Mireille dans l'unique but de tuer. Il n'avait pas le choix ? Stéphane défend cette théorie. Elle n'est pas justifiée. Serge s'est laissé emporté dans une affaire qui le dépasse, ce n'est pas de son ressort d'évincer la police. Serge ne sent pas peser au dessus de lui le glaive de l'organisation d'espionnage, mais il appréhende l'explication qu'il devra fournir au monde lorsqu'il répondra de son crime. Si Serge doit à nouveau être confronté à ce genre de situation il s'est donné comme consigne de ne pas tirer ou de faire que blesser. Il ne peut même pas en parler à sa mère. " Pourvu que Gaëlle me soutienne...".

Au poste de police leurs familles respectives s'inquiètent et s'enquièrent du pourquoi de cette déposition. Stéphane entre seul et en premier dans le bureau, il tente de prendre l'allure la plus décontractée possible.

"Donc voyant qu'on vous a volé votre voiture vous tentez de poursuivre le voleur avec votre 106..."

"C'est ce que j'aurais voulu faire, mais voyant à quelle vitesse est partie la 911, j'ai abandonné."

" Donc vous êtes resté à attendre devant la discothèque."

" Avec qui ?"

" Avec Serge."

" Et vos deux amies ?"

" Elle s'occupaient de la tante de Serge et d'Eric."

" Pourquoi les avez-vous laissée seules ?"

" Je ne sais pas, on ne sait pas toujours ce qu'il faut faire dans ces cas-là..."

" Qu'avez-vous fait pendant le quart avant l'arrivée de la police ?"

" On a discuté."

" N'avez-vous rien pris dans le manteau de madame Abiard ?"

" J'ai cherché les clefs de sa voiture, mais il était trop tard car la Porsche était déjà volée. Je les ai données à Serge, je ne sais ce qu'il en a fait.".

Avec deux doigts le commissaire tape sur sa machine électrique tout ce que lui dit Stéphane.

" Vous n'avez donc pas quitté les alentours de la discothèque ?"

" Non."

" Vous pouvez signer votre déposition ici ?" demande le commissaire en tendant la feuille.

" Dites à votre ami Serge de bien vouloir entrer."

En se croisant dans le couloir Stéphane n'a que le temps de frapper l'épaule de Serge, "T'inquiètes, de la routine..."

Serge rentre à petits pas dans la pièce.

" Asseyez-vous".

Serge baisse les yeux, il croise ses doigts et relève lentement la tête vers le visage inquisiteur du commissaire.

" Alors, ce meurtre vous dit-il quelquechose ?"

Serge réfléchit une petite seconde, il sent le piège. Il ne doit pas être au courant pour le meurtre de l'anglais.

" Meurtre ? Qui est mort ? Mireille est morte ?"

Serge prend une mine déconfite.

" Non aux dernières nouvelles elle se porte mieux. Je parle du meurtre d'un homme d'1 mètre 85, de 85 Kg, le crâne dégarni sur le dessus..."

Serge prend le parti de parler doucement à voix très basse et très lentement afin de bien penser à ce qu'il doit dire.

" Vous vous trompez probablement d'affaire... Je suis Serge Gros, je suis venu pour l'affaire de la discothèque... Enfin vous devez le savoir, Stéphane sort d'ici..."

" Donc ce meurtre ne vous dit rien ?"

" Non ?"

" Et une 205 blanche ?"

" Peut-être, la voiture qui a démarré tout feux éteints après les coups de feux était blanche. "

" Combien de coup ont été tirés ?"

" Deux."

" Avez-vous remarqué quelquechose d'anormal durant la soirée ?"

" Non, rien"

" Bon. Qu'avez-vous fait en attendant la police ?"

" J'ai discuté avec Stéphane."

" De quoi ?"

" Je ne sais plus vraiment..."

" Rappelez-vous !"

" De ma copine Gaëlle..."

" Votre tante est tuée et vous discutez de votre copine ?"

Serge s'énerve son débit s'accélère.

" On discute de n'importe quoi pourvu qu'on s'occupe l'esprit ! Vous voulez me foutre les boules c'est ça ? Vous croyez qu'on est tranquille quand quelqu'un tire sur vous..."

" C'est bon ! Et le vol de votre voiture ?"

" Ce n'est pas ma voiture !"

" Ne jouez pas avec moi s'il vous plaît !"

" Je n'en sais rien... Vous l'avez retrouvée ?"

" Oui, mais ce n'est pas vous qui êtes censé poser les questions !"

" Vous savez ce que coûte une fausse déposition ?"

" Je m'en doute, mais qu'est-ce que vous voulez me faire dire, c'est quoi cette interrogatoire..."

" Saviez-vous que votre tante avait une arme dans sa boîte à gants ?"

Serge continue son jeu de la semi-vérité.

" Oui, elle me l'avait dit, mais je ne vois pas..."

" Vous savez bien que la loi est sévère pour les meurtriers !"

Une petite pose, Serge mime l'étonnement et la non-compréhension.

" Je l'espère bien."

Le commissaire échafaude deux possibilités, ou bien Serge est très fort et il cache bien son jeu ou bien il est très faible et vraiment atteint par cet accident. Pour en être sûr, il réclamera à son inspecteur de lui dégoter son dossier psychiatrique.

" Pourriez-vous me parler des clefs de la Porsche ?"

" Elle sont très belles !"

" Nous ne sommes pas ici pour plaisanter.".

Serge est bloqué, il ne sait plus ce qu'a pu dire Stéphane au sujet de ces clefs. Mais si le commissaire pose la question c'est qu'il y a un rapport... Peut-être l'a-t'on vu remettre les clefs dans le manteau de Mireille.

" Stéphane a du les prendre pour tenter de suivre le tireur avec la Porsche. Mais on nous l'avait volée..."

" Ensuite ..."

" Ensuite quoi ?"

" Que sont devenues ces clefs ?"

Serge hésite à nouveau mais voyant que l'attente rend la commissaire soupçonneux dit ce qui lui passe par la tête. Heureusement pour lui c'est ce que j'y avais placé...

" Je les ai remis dans les manteau de ma tante."

" Dans quel but ?"

" Dans celui de remettre les choses à leur place !"

Le commissaire tapote lentement ce que lui dit Serge.

" Connaissiez-vous des ennemis particuliers à votre tante ?"

" Non, enfin demandez-le-lui. Elle est sûr qu'on a tué son mari. Si c'est le cas..."

" Oui, en effet, avez-vous une idée de qui pourrait lui en vouloir ?"

" Je viens de vous répondre...".

" Et bien, je pense que j'en sais assez pour l'instant. S'il vous revenait des informations supplémentaires, aidez-moi."

" C'est tout ?"

" Oui."

Le commissaire achève sa ligne sur sa machine et arrache la feuille du rouleau.

" Vous pouvez signer votre déposition ici ?" dit-il mécaniquement.

" Ma tante est-elle sous surveillance policière ?"

" Vous savez nous n'avons pas beaucoup d'effectifs ici .".

Serge se lève et sort.

Dans le couloir, l'inspecteur suit Serge et Stéphane d'un regard surplombant la scène de sa haute stature. Sa tête grisonnante reprend la trajectoire de la porte du bureau du commissaire. Il l'ouvre.

Ce Dimanche soir-là Stéphane, Annabelle, Gaëlle et Serge se retrouvent chez Sophie. Tous racontent leur partie de l'histoire à Sophie. On sort toutes les informations, chacun analyse les données. Ils en viennent à des déductions dont il manque quelques tenants. Bjon est de mèche avec Justine qui a posé la bombe. D'ailleurs il est probable que Justine ait des liens plus qu'étroit avec Bjon. Bjon appartient à la société secrété et était normalement sous les ordres de Mireille. Mais pourquoi Bjon a monté un plan pour livrer Mireille à la police, pour la rendre coupable aux yeux de la police de la mort de son mari ? C'est prendre un bien grand risque pour son organisation d'espionnage industriel. C'est même la mettre en péril. Bjon manigance dans le but d'enrayer le réseau pour lequel il travaille. Pour ce réseau Mireille devient très dangereuse. Tellement qu'on paie un tueur étranger pour en finir avec elle. Voilà la conclusion à laquelle aboutit Serge. Mais que faire pour que Mireille sorte du cycle infernal ?

"Il faudrait par un moyen quelconque contacter l'organisation pour qu'ils fassent tout retomber sur Bjon et Justine." dit Serge.

" Tu ne crois pas que nous en ayons déjà assez fait ?" prononce Annabelle

" Il faut sauver ma tante du danger."

" Et Eric, il y a déjà laissé sa santé.."

" Eric n'est pas le seul, il y a Mon Oncle, ma tante... Peut-être Julien même..."

" Julien qu'aurait-il à voir la-dedans ?"

" Je ne sais pas mais toutes ces histoires en chaînes c'est bizarre."

Et nous voici maintenant au tournant du récit, celui où enfin quelqu'un remet les pieds sur la trace de l'énergitophème.

" Attendez... le lien entre Mireille et Julien... c'est Mathieu ! C'est lui qui est accusé du vol chez ma tante."

" Oui ! Biensûr, il nous a fait promettre à moi et à Julien de ne jamais dévoiler qu'ils n'avait pas pu commettre ce vol..." dit Stéphane dans une étincelle de génie.

" Attends, si cela se trouve Mathieu sait où son passés les échantillons que recherche Malcom."

" Quelqu'un pourrait m'expliquer " souffle Annabelle dépassée.

"Tu es fatigué Serge, tu n'as pas du beaucoup dormir cette nuit" prononce Gaëlle assez peu fort pour que seul Serge entende. Gaëlle prend la main de Serge sous la table et la serre entre ses deux paumes. Serge s'endort alors en sombrant contre l'épaule de Gaëlle qui ne bouge pas. Il a trouvé ici un peu de tranquillité.

Sur le chemin très court qui mène Serge au Lycée de Cergy , un homme l'interpelle alors qu'il s'était baissé pour renouer sa chaussure. "Serge ?". La première réaction de Serge est la fuite, mais déjà l'homme le tient par le bras. " N'aie pas peur, je suis plutôt là pour t'aider..."

" De quoi voulez-vous parler ? On se connaît ?"

" Tu devrais, au moins tu as entendu parler de moi. En tout cas tu as des choses à moi."

" Hein ?"

" Ecoutes, je t'invite quelques instants à boire une verre. Tu verras ce sera très instructif."

" Mais j'ai cours."

" Ne t'inquiète pas, je ferai arranger cela. Suis moi."

" Pourquoi ne pas discuter ici ?"

" Parce que je préfère la calme de l'intérieur."

" Je ne vous suivrait pas."

" Je me présente. Malcom détective principal de l'agence Malcom."

Serge reste bouche-béée. Il ne sait que dire. Il pensait que Malcom avait disparu de son histoire qu'il s'occupait d'autres affaires.

" Bon et bien allons-y alors."

Dans ce bar la fin de l'histoire se prépare.

" Je sais beaucoup de chose sur toi et sur ta tante. Mais ce n'est pas le principal. Je ne travaille pour personne maintenant, je tente pour une fois dans ma carrière de résoudre une affaire en cours. Toute ta famille, tes amis, ta copine aussi risquez dans cette histoire bien plus qu'un avertissement pour être arrivé en retard en cours. C'est ta peau que tu mets en jeu. Honnêtement, cette histoire me dépasse car elle touche bien des intérêt financiers inavoués, il faudrait la soumettre à un juge, à la magistrature, ce serait vraiment le seul moyen d'en finir..."

" ... De quoi parlez-vous ?"

" Serge. Regarde-moi dans les yeux s'il te plaît. C'est toi ou ton ami qui a tué cet homme à Boissy ?"

Serge détourne immédiatement les yeux.

" Et mes documents ?"

" Eh bien vous n'avez qu'à prévenir la police. Pourquoi ne le faites-vous pas ?"

" Je peux t'apporter mon aide. Même je peux te disculper du meurtre de ce tueur."

" Vous le connaissez ?"

" Tu es méfiant, c'est logique, mais sache que je peux utiliser deux méthodes pour résoudre cette affaire. Faire mon devoir de citoyen et dénoncer à la police tes agissements de Samedi soir ou alors les garder pour moi et travailler avec toi. La seule différence entre ces deux solutions, c'est que dans un cas tu as un casier judiciaire, dans l'autre non.."

" Que voulez-vous ?"

" Echanger des informations..."

" Parce que vous en savez plus que moi ?"

" Tu m'aide déjà en disant cela. Je ne perds donc pas mon temps."

" Que savez-vous de si intéressant ?"

" La seule chose qui puisse vraiment t'intéresser c'est de savoir que ta tante est la quatrième d'une liste d'activistes appartenant probablement à la même organisation à être victime d'un attentat. Et à chaque fois après avoir été mis en cause par la police."

" Hein ?"

" On a voulu éliminer Mireille parce qu'elle devenait une réelle menace pour l'organisation."

" Je n'ai pas le choix. De toute façon je n'ai plus grand chose à perdre maintenant. Je veux bien vous aider, mais je veux un papier signé de votre main."

" Ce n'est pas un problème."

" Pour ce que je sais, ma tante a été manipulée par un certain Bjon. C'est lui qui a fait poser une bombe par l'intermédiaire de la secrétaire de mon oncle dans son bureau. Vous êtes au courant, il était avec ma tante le soir de l'explosion."

" Bjon ? Je ne connais pas de Bjon. Et le tueur ?"

" Un certain Art, un anglais avec un passeport anglais. C'est moi qui l'ai tué."

" Je m'en doutais. Vous avez du viser attentivement pour l'atteindre juste à côté de son gilet pare-balles."

" Il avait un gilet ? C'est la chance qui a voulu que je l'atteigne à la tête, je n'ai pas visé, j'ai réagit par peur. Il pointait le canon vers moi, j'ai appuyé sans réfléchir sur la gâchette."

" Vous vouliez le tuer."

" Je ne sais pas, je voulais l'attraper en tout cas."

" Bon, passons à autre chose. Vous connaissez l'homme à qui vous avez demandé du feu à la discothèque ?"

" Biensûr, c'est Bjon ! Mais comment savez-vous ?"

" J'ai pas mal de personnel. On t'a vu. Donc c'est ce fameux Bjon ! Bon, à moi de t'apprendre quelquechose, c'est très probablement un agent de nos services secrets."

" Les services secrets ? On sombre dans le délire. Vous me faites marcher. Ce n'est pas parce que je suis jeune qu'il faut me prendre pour un con !"

Jean lève la main droite, paume ouverte pour faire signe à Serge de parler moins fort car des clients se sont retournés.

" Je ne blague pas. C'est ce qui m'a poussé à te proposer mes services."

" Contre ?"

" Tous cherchent la même chose. Des échantillons d'un nouveau médicament. L'énergitophème."

" C'est donc vrai !"

" Vous ne croyez pas votre tante."

" Si, mais... Enfin on enjolive parfois un peu la réalité pour obtenir l'aide de quelqu'un."

" Sais-tu où pourraient être ces échantillons ?"

" Aux dernières nouvelles ils étaient dans les mains des inspecteurs des renseignements généraux qui ont perquisitionné chez ma tante l'année dernière."

" Quoi ? Les R.G ont mis la main dessus et n'ont rien dit ?"

" Ils étaient cachés dans des sachets de préservatifs. Je ne sais pas pourquoi je vous dit tout ça. "

" Probablement parce que je suis homosexuel et que tu penses que je ne peux pas avoir de plus gros défaut que celui-là."

" Je ne comprends pas, comment peut on aimer les hommes ? C'est une perversion, un problème psychologique."

" Peut-être, mais qui peut s'assurer de la normalité ? Toi ? Je suis heureux de vivre comme cela, nous avons trouvé notre équilibre. J'aimerai bien être comme toi, aimer une femme. Je n'aurait pas alors à subir vos regards réprobateur. Aimer vraiment c'est une affaire de feeling, pas de sexe. Si je ne m'abuse c'est ce qu'il y a entre toi et ta copine."

" Oui, mais on est loin du sujet.". Serge répugne à parler d'amour avec un homosexuel.

" Oh que non."

" Comment cela ?"

" Il beaucoup plus souvent que tu peux le croire des histoires de coeurs ou de fesses derrière les grandes histoires. Tu sais, Bjon, puisqu'il veut qu'on l'appelle ainsi, travaille comme ça. Il a eu Justine, il a eu ta tante. Mais il n'a pas pensé que de tuer son mari ramènerait Mireille à ses sentiments d'autrefois."

" Vous auriez du faire de la psychologie.", prononça ironiquement Serge, " Et vous m'avez trouvé vulnérable ?"

" Oui, en lisant ta déposition, j'ai conclu que tu étais le plus vulnérable des deux. On ne reste pas calme après avoir tué un homme. Surtout quand on fait marcher son esprit. C'est pourquoi je dis que tu dois aimer énormément ta copine pour qu'elle t'ai été d'un si grand secours."

" Vous jouez à quoi au juste ?"

" A ne pas te laisser sombrer avec tes amis dans une affaire ou vous y laisseriez tous votre santé."

" C'est une mise en garde ?"

" Non... Je te laisse mon numéro de téléphone. Ne m'appelle que d'une cabine téléphonique. Tu es sous surveillance téléphonique tous les jours et sous surveillance rapprochée les week-end, donc arrange-toi pour ne pas trop qu'on remarque que tu m'aides."

" Tu m'as fait surveillé ?"

" Je te parle d'une surveillance policière. Je n'ai pas d'argent à dépenser en plus pour toi... Ca coûte très cher les filatures. J'ai d'autres affaires en cours. Mais ta tante était sous ma surveillance. Et je peux te dire que cela m'a été très utile. Mon but c'est de te sortir de cette histoire le plus vite possible."

Et Serge remet en place tous les éléments du puzzle. Une organisation secrète pille des informations d'un importance capitale pour les technologies de pointe. Les services secrets, plutôt que de démanteler le réseau avec la police, ce qui serait à coup sûr couper une tête pour en faire repousser une autre préfère s'arranger pour que l'organisation s'occupe elle-même de l'élimination de ses participants. Il n'y a pas besoin pour les services secrets d'être sûrs que la personne appartient au réseau. Il suffit de la mettre dans une situation où elle risque une inculpation. l'organisation doit alors l'éliminer pour empêcher les informations de filtrer. Si l'organisation l'élimine, la personne appartenait donc au réseau. En remontant la filière on remonte les branches.

Bjon a déstabilisé ma tante pour qu'elle éloigne intentionnellement son mari. En tuant mon oncle on porte l'attention de la police sur Mireille dont les activités deviennent dangereuses pour l'organisation dans le cadre de l'ouverture d'une enquête. Des gens, certainement très haut placés décident alors de lancer un contrat sur Mireille. Je serais curieux de savoir qui sont ces dirigeants. Puis un tueur étranger est retenu pour ce genre de besogne. Art Stanford, je doute que ce soit son vrai nom, méritait sa mort. Je n'ai pas à me la reprocher. En effet quoi de plus logique pour un tueur que de finir tué ?

"tout innocent est présumé coupable. S'il est il sera éliminé !". Le chef des services de protection des informations à caractères capitaux (SPICC) est content de sont dicton. Sa stratégie fonctionne à merveille. C'est déjà la troisième personne qui tombe sous les balles meurtrières d'un professionnel chargé de l'importante besogne de l'élagage des branches pourries. La seconde était bien évidemment Monsieur Duchène. Au fait, plus de crainte à avoir du côté d'Art Stanford... Il est inopérant à la morgue.

Je me meure. Mon esprit tend à perdre sa critique, je sent la fin pointer. Quelqu'un viendra-t'il à mon secours ?

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