Lutte avec l'insomnie par philippe lhardy

CHAPITRE 4


LA PARTIE D'ECHEC COMMENCE

 

Une lettre anonyme arrive à votre domicile.

" Vous êtes sage. Temps que vous le resterez vous pourrez poursuivre votre lecture sans craindre d'y laisser votre raison..."

 

Détaillons rapidement la situation. Elle est déjà assez embrouillée comme ça. D'un côté des jeunes en classe de première, Sophie qu'aimait Julien, Gaëlle et Serge deux intellectuels amoureux, Anthony et Véronique un jeune couple, Eric la haine et les autres... De l'autre le monde des adultes avec Mireille Abiard pleurant son mari décédé, Malcom le détective privé, l'ami de Malcom des renseignements généraux, Justine la secrétaire terroriste désormais sans emploi et un mystérieux inconnu ayant partagé avec Mireille la nuit du meurtre. Les morts, Robert Abiard et Julien tous deux innocents et sans connaissance de leur propre responsabilité. Mathieu et Stéphane aussi sont de la partie. Mathieu sait qu'il n'a pas pu commettre le cambriolage de madame Abiard il y a un an maintenant puisqu'il était avec Julien et Stéphane.

 

Aucun membre de la classe de première B2 n'ignore le tragique accident de Julien, d'ailleurs une bonne partie a participé à l'achat d'une couronne "A notre ami". Le choix de la couronne a été difficile, les envies quand au message dispensé divergeaient joyeusement (même si l'adjectif ne semble guère juste pour une telle situation). Le vendeur commençait à s'impatienter lorsqu'il extirpa de son stock cette couronne très fleurie, presque printanière qui surprit tellement nos acolytes qu'ils en firent l'acquisition. Il souffla un long soupir lorsque la troupe électrique quitta le magasin, rendant ainsi à cette endroit son côté sinistre et morne, enfin mort en un mot. C'est Sophie que l'on chargea de conserver le curieux présent. Elle parut bouleversée.

Julien connaissait bien Mathieu pour avoir déjà eu un différent avec lui, puis pour s'être si extraordinairement réconcilié qu'il était impossible alors de briser cet inexplicable amitié.

Derrière la cornée de l'oeil de Jean, le nom de Mathieu s'inscrit à plusieurs reprises en lettres d'une typographie informatique. Jean découvre que les renseignements généraux ont fait accuser Mathieu d'un cambriolage qu'il n'a pas commis. Ce 23 Mars 1991, deux inspecteurs pénétrèrent sans effraction au domicile des Abiards après s'être très minutieusement renseignés sur les habitudes d'horlogers de la famille. Ils savent qu'ils n'ont pas le droit, mais leur mandat leur a été refusé et c'est leur dernière chance de rester sur une enquête qu'ils jugent de très spéciale.

Mireille est la tante qui entretient encore des relations avec sa soeur Martine. Pour Serge c'est une personne très maniérée, souvent à la recherche d'aide mais très ouverte à la discussion. Il sait qu'elle lui accorde une grande place, peut-être parce qu'elle n'a pas d'enfants.

Justine est la secrétaire qui aurait pu remplacer dans la vie de monsieur Abiard la place de Mireille, mais il n'a pas eu le temps de concrétiser cette idée qui lui effleurait la conscience. Cette fin d'après midi-là, le temps manqua à Justine pour réaliser que sa vie allait basculer. Le téléphone a sonné, son ami lui a demandé d'aller chercher un paquet dans la boîte au lettre et de le poser sous le bureau de son patron, sans évidemment l'ouvrir ou chercher à savoir ce qu'il y a dedans. Justine réalise bien qu'il doit s'agir d'une bombe. En posant la question, la voix répond laconiquement : " c'est pour ce soir, évite d'être là, j'en serais navré, toi aussi d'ailleurs ". C'est peut-être la seule chose qu'elle aura pu réaliser. Jamais elle n'imaginerait que Monsieur Abiard, qu'elle sent d'ailleurs de plus en proche d'elle à ce moment là, puisse être là au moment de l'explosion.

Au contraire l'amant d'un soir de Mireille connaît beaucoup de choses intéressantes. Malcom de son côté sait pour la manigance permettant à Mireille de coincer Robert à son bureau ce fameux soir. Mireille se doute du rôle de Justine. Mais tous deux poursuivent leur conclusion trop loin. Serge fait le lien entre Julien et Robert. Et tous ces amis de classe sont prêts à lui venir en aide pour changer leur terrible quotidien... Il en aura bien besoin.

Voici donc le rappel bref des épisodes précédents, comme dans Santa Barbara...

 

 

"... Et maintenant voici un rappel des actualités : Le président..." madame Gros éteint la télévision. Elle a déjà vu le journal en entier, elle n'aime pas écouter plusieurs fois les même choses.

" On peut avoir un peu de calme s'il te plaît, j'aimerais discuter un peu avec toi.". Serge lève les yeux du poste vers sa mère.

" Je t'écoute" répond-il avec un peu d'énervement.

" Mireille va venir à la maison demain soir. Tu te doutes de son état après la mort de Robert."

" Quel est le problème ? Moi ?"

" J'aimerais que tu sois compréhensif et prêt à écouter ce qu'elle a à te dire. "

" Mais elle n'a rien à me dire, que des banalités, la mort de son mari doit bien être la première chose qui change dans sa vie."

" Tu as tort, ta tante est quelqu'un de très dynamique et..."

" ... et il faut que j'ai l'air d'un gentil gamin demain"

" Mais non, tu déformes tout."

 

Au bureau de monsieur Abiard personne n'a remarqué les sachets d'énergitophème, ce médicament si convoité. C'est évidemment très logique puisqu'ils n'y sont pas ! Ils se trouvent actuellement dans la famille de Julien. Son porte-feuille est le seul effet personnel que sa famille ait pu récupérer. Même le corps de Julien est pour un motif curieux conservé à la morgue. Vous n'avez pas fait votre travail... Tant pis.

 

Gaëlle va dans sa chambre, elle est triste et surtout elle s'en veut. Elle a l'impression d'avoir fait un effort énorme pour revenir sur sa décision de laisser Serge qui n'est récompensé que par un énorme coup de bâton.

 

Sophie n'a pas perdu de temps, la petite soirée d'anniversaire de Vendredi lui a permis de rencontrer Guillaume. Guillaume est en première S, il a un an de plus que Sophie puisqu'il a déjà redoublé sa seconde. Elle le sait, il a passé une bonne partie du début des slows à lui détailler son histoire et à lui poser des tas de questions. En y repensant Sophie rigole, "Vous habitez chez vous parents ?" imagine-t'elle comme question idiote qu'elle aurait bien aimé lui poser, histoire de lui couper le sifflet. Il lui a téléphoné, elle vient juste de raccrocher. Guillaume vient de se faire plaquer. Sophie n'a pas ménagé ses efforts pour mettre les choses au clair :" C'est fini, appelle ça comme tu voudras, c'était juste l'espace d'une soirée. Je ne veux plus te revoir." Guillaume s'est insurgé contre cette décision, espèrant briser son côté irréversible. "Pourtant, on va bien ensemble...". Sophie rigole doucement, elle ne connaît rien de Guillaume à part son cursus scolaire, "Aller bien ensemble ? Mais tu t'es vu ? Tu m'a sauté dessus comme la pauvreté sur le monde.". Guillaume n'est vraiment pas content, mais au moins maintenant il est sûr d'une chose, c'est qu'il n'aime plus Sophie, cette "sale conne"; il la déteste. Sophie a bien joué, elle ne sera plus embêtée par ce dragueur de pacotille mais elle risque d'avoir quelques surprises désagréables... Sophie pense qu'il n'y a pas deux façons différentes de briser ce genre de sentiments, seule la haine peut tuer l'amour. Guillaume se vengera, soyez-en sûr. Je l'y aiderais s'il le faut.

 

Malcom a bien d'autres affaires en cours. Sa plus complexe est de faire le calcul des charges qu'il paie pour ses divers employés. Jean-Malcom est chez lui. Son ami rentre et lui dépose un bisou sur le front.

" .. Bonne journée ?"

" De la paperasse, toujours de la paperasse."

" Tu as du nouveau pour l'affaire de la bombe ?"

" J'ai la curieuse impression de m'être trompé au sujet de Mireille Abiard. Elle réagit comme je l'attendrais d'une femme en deuil."

" Et cet homme qui était avec elle, des nouvelles ?"

" Non, envolé."

" Ils font des recherches au service. Ils s'intéressent à cette affaire parce qu'elle pourrait avoir un rapport avec la disparition des fameux échantillons dont je t'ai parlé."

" Des échantillons ?"

" Ceux des laboratoire Rhone Poulenc. Leur nouveau médicament."

" Pourquoi courrent-ils après ces échantillons ? Ils l'on mis au point ce médicament oui ou non ?"

" Ils disent que la formule n'est pas stable et qu'elle peut en se dégradant à la lumière donner un composé très toxique."

" Tu y crois ?"

" Ce que je crois, c'est que c'est un produit révolutionnaire d'une importance capitale. Simple à fabriquer, d'une production peu couteuse, il surpasse de beaucoup divers produits actuels, à commencer par l'aspirine."

" Et alors ?"

" Ils ne veulent pas que la concurrence leur sape leur marché. Il attendent que la concurrence soit déloyale pour mettre ce produit en vente. Tout simplement."

" Et là, il se battent pour récupérer ces échantillons facilement analysables qui donneraient à un autre laboratoire même avec des petits moyens de production une réponse aussi importante."

" That's all right Malcy !"

" Et le rapport avec Mireille ?"

" Il est mince... Il s'agit de l'espionnage industriel dans les deux cas, bien qu'on ne soit encore certain de rien pour Dame Abiard."

" Pour moi tout suspect est présumé coupable. Ca simplifierait bien des problèmes..."

 

Mardi matin, Sophie, Gaëlle, Eric, Serge, Stéphane, Véronique et Anthony rentrent en cours. Une longue matinée pendant laquelle Serge et Gaëlle s'évitent intentionnellement, les renforçant ainsi dans leurs convictions. J'ai vraiment honte de moi. Quel prétexte lamentable celui qui consiste à se considérer floué du bonheur des autres. Il faut absolument que je mette un peu d'ordre, que je renoue la situation. Pour cela je vais m'aider d'Eric, vous savez le "petit méchant". Il est , j'ai déjà du le dire, nécessaire comme l'eau dans le ciment : nécessaire pour que ça colle. Je dicte donc à Eric une partie de ce qu'il va écrire à l'intention de Serge et de Gaëlle.

" N'exhibez plus ces hilares gargouilles pour faire fuir les maudits ennuyeux. Comprenez enfin que le droit à la compagnie est fondamentalement humain. Quand faudra-t'il éteindre le feu qui bout sous la marmite ? Quand son contenu recouvrira les murs de la pièce ? Avec quel soin manier habillement l'instrument, juste pour ne pas abîmer la chair vous triturez sournoisement le cerveau. Achevez cette hécatombe, le laissez pas les rescapés attendre un secours que vous retenez auprès de vous. La folie n'est-elle qu'un remède palliatif ? Enchevêtrement incompréhensible d'illusions erronées, accumulation d'envies refoulées, désespoir d'une vie qui doit être partagée, voilà tout ce qui fourmille dans ma triste caboche qui ne vaut guère plus que ce qu'il a dans mes galoches. Heureusement je tiens debout car vous m'avez donné des pieds, je réfléchis parce que vous m'avez posé trop de problèmes. Il est certain que dans cette machine bien huilée c'est introduit un grain qui en écourtera le destin. Comment accepter tout d'injustice ? Je me réserve une réponse."

Voilà ce que successivement Serge et Gaëlle vont lire sous l'oeil attentif d'Eric qui aimerait bien avoir un petit mot sur la qualité du texte. Rien. Mais le texte fait son oeuvre à la fois dans le cerveau de Serge et dans celui de Gaëlle, ils savent tous les deux qu'ils sont les seuls à l'avoir lu.

Mais cela ne suffit pas, il faudrait l'aide du hasard...

Le hasard je vais l'aider. Pourtant je devrais poursuivre leur séparation pour faire coller leur histoire avec la mienne. Mais je vous l'ai dit si je prête à Serge mes idées, je ne les prête pas à Gaëlle.

 

Donc pour aider Gaëlle et Serge à remettre les choses en place je vais simplement leur laisser une page blanche de mon livre sur laquelle ils pourront écrire en toute impunité la suite de leur histoire...

Et Gaëlle s'approcha de Serge, et Serge s'approcha de Gaëlle. Un sourire grandit sur leurs deux lèvres, leurs yeux se mirent à pétiller comme s'il avaient bu un peu trop.

" Le passé est si important ?"

" Quel passé ? Tu es là, c'est l'important."

" Tu m'as manqué, avec tes remarques idiotes."

" Toi aussi, avec ta satané envie de toujours vouloir faire autre chose."

" Tu te mets à côté de moi..."

Le premier pas est fait. N'espérez pas chez Gaëlle et Serge ces élans amoureux que nous pourrions voir entre l'autre couple de la classe : Anthony et Véronique. Aucun d'eux ne veut lancer l'autre sur la pente qui les a fait chuter, celle qui a entraîné cette séparation. Et puis aucun d'eux ne veut que cela se voit comme des yeux derrière une paire de lunette de myope.

 

Et l'action, où elle est l'action ? Attendez, prenez patience, encore quelques pages.

 

Vous voulez pouffer de rire ? Maintenant ? Attendez je ne voit pas là, vite quelque-chose de drôle...

 

Nous sommes actuellement dans la classe de mes personnages, tous sont dans le couloir excepté Stéphane qui jette avec délectation une cartouche pleine coupée aux ciseaux dans la poubelle. La flaque d'encre imbibe les épluchures de crayon, elle s'infiltre dans les divers papiers annotés. Pour compléter l'assaisonnement il rajoute un demi tube de colle liquide. Cette colle où le bouchon mousse s'arrache toujours au bout des quelques utilisations et qui dépasse toujours des rebords de la feuille lorsqu'on lisse la surface gondolée si bien qu'on en a "plein les pinceaux". Le liquide semi-visqueux vient diluer l'encre dans un mélange peu homogène. Stéphane attrape alors la poubelle et la pose sur l'épaisseur du rebord du haut de la porte et se glisse dans le couloir très précautionneusement. Le professeur arrive, toujours très dynamique, mais curieusement il s'arrête face à la porte et jette un coup d'oeil à l'entrebâillement. Après une très longue seconde de réflexion il ordonne:

" Stéphane Dupuis, pourriez-vous me chercher mon cahier sur mon bureau ?"

" Pardon, mais..."

" Qu'y a-t'il, quelquechose vous gêne ?"

Derrière le professeur les élèves se sont tu.

" C'est à dire que..."

" Monsieur Dupuis, savez-vous le lien qu'il y a entre un avertissement disciplinaire et une poubelle renversée ?"

" Non monsieur..."

" Eh bien vous allez l'apprendre. Ou bien c'est l'avertissement, ou bien la poubelle. Choisissez vite !"

Stéphane entre avec brusquerie dans la classe, la poubelle tombe juste derrière lui. Il s'arrête.

" Ouf !"

" A malin, malin et demi" prononce le professeur qui enjambe la poubelle, fier de son effet. Son pied droit atterri pile sur le morceau de cartouche vide et entraîne la chaussure sur une piste glissante qui laisse une traînée bleue. l'autre pied suit et soudain sa tête quasi hilare s'abaisse d'un bon mètre. Le choc n'est pas violent puisque la poubelle l'amortit. En se relevant il s'essuie l'arrière du pantalon qu'il pense poussiéreux. Lorsque sentant du liquide, il amène sa main à la hauteur de sa tête, ses sourcils montent pour dégager des yeux monstrueux. Aucun élève de la classe ne peut retenir un gloussement qui s'amplifie dans un rire quasi-hystérique. La main sur le visage Serge regarde Gaëlle qui en fait tout autant. Serge éclate d'un fou-rire nerveux.

" Monsieur Dupuis, vous avec échappé à la poubelle, ma punition elle, ne vous échappera pas"

Le professeur s'en va pour se laver les mains et c'est un surveillant qui revient pour prévenir qu'un devoir surveillé remplace le cours de physique.

" Oh, non..."

En rentrant en cours Eric s'agenouille près de la poubelle et se tient les fesses en reproduisant la mimique du prof. "On n' a pas de veine, il aurait au moins pu se briser quelquechose, qu'on ait un peu de repos."

 

Fin de l'épisode; alors heureux de cette blague de potaches ?

 

Ils courent tous dans tous les sens. ils mangent. Ils vont en cours et finalement sortent pour prendre le Bus qui les ramène chez eux.

 

Serge sort du Lycée et se dirige par un petit pont vers Les Trois Fontaines. C'est normal, Serge habite tout près. Il presse le bouton de son ascenseur qui l'achemine juste dans le couloir de son appartement. La main droite de notre blondinet ouvre maladroitement la poche que son blouson porte sur son bras gauche et en extirpe une clef. La clef se dirige droit sur l'unique serrure fermée et résiste à la pénétration dans l'orifice. Serge la change de sens et tourne vigoureusement mais une fois encore la clef refuse de se soumettre à ce mouvement. Interloqué Serge attrape la poignée et tourne. Ca s'ouvre ! " C'est bizarre je suis certain d'avoir fermé, maman a du repasser dans la journée ou bien...". Des bruits de pas...

Un cambrioleur ? Personne ne devrait être ici à cette heure ci ! Tendu, les pas se rapprochent de l'entrée, la lumière provenant de la salle à manger disparait progressivement remplacée par l'ombre menaçante d'un intrus. Quand dans l'encadrement de la porte la personne se montre enfin :

" Mireille ! Tu m'as fait peur !"

Quel imbécile, ma mère m'avait prévenu hier !, pensa-t'il.

Un fois les embrassades faites, Mireille conduit Serge qui dépose son bardas écolier dans la salle.

" Ecoute Serge, tu pourrais me rendre un très grand service ?"

" Oui bien sûr !" dit Serge sans réfléchir.

" Non, Oui bien sûr n'est pas ce qui convient. C'est très très important, il en va de..."

" de ?'

" de ma vie."

Serge pense que Mireille est psychologiquement faible et qu'il faut lui remonter le moral.

" Si tu as besoin de moi, je suis là, mais ma mère aussi peut t'aider, elle sait certainement mieux que moi..."

" Tu ne sembles pas comprendre, vient t'asseoir".

Dans le salon Mireille tire les rideaux ce qui donne à la pièce une ambiance beaucoup plus gaie.

" Commençons par le début. Robert n'a pas été victime d'un accident mais d'un meurtre

" Quoi ?"

. Et j'ai de bonnes raisons de penser que cela à un rapport avec moi. Pour l'instant il est probable que tous les soupçons retombent sur moi."

" Mais... Qu'as-tu à voir avec ?"

" Tu le sauras, je n'ai rien à me reprocher, mais c'est difficile de tout t'expliquer..."

" Que veux-tu que je fasse au juste ?"

" Que tu me ramènes un dossier."

" Que veux-tu dire par ramener ?"

" Récupérer."

" Ce ne serait pas du vol par hasard ?"

Serge sent son coeur battre un peu plus fort. Enfin de la nouveauté, quelquechose d'excitant.

" Appelle cela comme tu voudras, mais il me le faut..."

" Si je ne te connaissais pas, je me poserais vraiment des questions. Qu'y a-t'il de si important dans ce dossier ?"

" Tu pourras le consulter en premier, tu seras libre d'en faire ce que tu veux, mais surtout ne le rend pas sans que j'ai pu le lire."

" Pourquoi ?"

" Je te l'ai déjà dit ce n'est pas simple. Mais si je t'en parle il faut que tu me jure de ne pas en toucher mot à qui que ce soit, y compris à Martine, elle n'est pas prête à assumer la vérité."

" C'est dangereux ?"

" Beaucoup plus pour moi que pour toi..."

" Alors, en résumé ?"

" Voila. J'avais déjà discuté avec toi des problèmes des pays en voie de développement..."

" Oui, mais je ne saisis pas bien le rapport..."

" Je t'avais parlé de leurs difficultés d'avoir accès par leurs propres moyens aux technologies de pointe..."

Un long silence permet à Serge d'entendre le craquement de la pierre à briquet et le gaz s'enflammant. Avec une attitude très précieuse Mireille pousse le filtre de sa cigarette contre sa bouche.

" Je crois comprendre." marmonne Serge réfléchissant.

" Qu'as-tu compris ?"

" Tu fais de l'espionnage ?"

" Le mot me semble un peu trop grand, mais j'ai participé à l'aide technique et industrielle de nouvelles entreprises aux capitaux étrangers."

" Juste par idéal ? C'est du vol !"

" Ecoute, tout mon travail repose sur une certitude, l'économie de marché ne donne pas des chances égales"

Serge coupe Mireille qui se lève alors pour trouver un cendrier.

" Mais dans quelle planète te crois-tu ? Toi une idéaliste ? Jamais je n'aurais cru cela ! Ce n'est pas possible !"

Sur un meuble assez massif Mireille trouve une soucoupe décorative qu'elle utilise pour déposer les cendres de sa cigarette.

" Ne me juge pas comme cela... J'ai un fait qui te fera peut-être changer d'avis."

" Lequel ?"

Serge écoute, plus attentif qu'il n'a jamais été dans tous les cours auxquels il a participé.

" Il y a deux ans déjà les laboratoires pharmaceutiques Rhones Poulenc ont découvert un nouveau médicament. Ce médicament au dire des spécialistes permettrait de diminuer la quantité de nourriture nécessaire au corps humain pour survivre tout en développant les système immunitaire d'une façon exceptionnelle. Seulement ce produit miracle a un inconvénient majeur pour cette société : il est très simple à synthétiser et n'importe quel bon chimiste serait capable d'en analyser les constituants et le reproduire. Il viendrait concurrencer directement toute une gamme de produits dans laquelle ils excellent. Ce produit attend donc pour être mis en vente. Ce produit pourrait sauver demain des millions de gens qui meurent de faim et de maladies, voilà pourquoi j'ai agi de la sorte."

" Uniquement pour ce produit ?"

" Il me fallait un appui, une organisation solide. J'ai trouvé des personnes qui appartiennent à une société secrète de recherche industrielle", Mireille voit la moue dubitative de Serge, " d'espionnage industriel si tu veux, c'est grâce à elle que j'ai pu mettre la main sur les échantillons. Tu es le seul à savoir que je suis à l'origine de la disparition des échantillons. Je compte sur toi."

" Mais tu as travaillé avec des gens malhonnêtes ?"

" L'important est que je sois restée honnête."

" Je veux bien te rendre service, essayer de te sortir de tes problèmes, mais il faut un contrat entre nous."

" Un contrat ? Tu te prends pour qui ?"

" Je t'aide si tu laisses tomber ton organisation et toutes les idées dangereuses qui te font agir."

" Inutile, la mort de Robert m'a déjà ramenée à la réalité. Et puis j'ai perdu les échantillons, personne ne sait où ils ont bien pu passer. Mais cela n'a plus d'importance maintenant."

" Que poursuis-tu alors?"

" Le meurtrier "

Mireille écrase délicatement sa cigarette à peine entamée.

" Pourquoi moi ?"

" Tu es jeune et très intelligent. Tu n'a pas encore perdu tes illusions."

" En gros je suis naïf"

" Oui et non puisque tu es intelligent. J'ai joué cartes sur table. Je n'ai plus le choix, il faut que tu acceptes sinon c'est la prison pour moi, enfin au mieux. Il faut trouver l'assassin, il faut d'abord détourner l'attention de la police, des renseignements généraux et d'un privé sur mes actes. Il faut que je sois libre de trouver celui qui a tué Robert."

Les yeux de Mireille se mettent à brûler, à devenir excessivement secs, mais aucune larme ne coulera, Mireille ne veut pas.

" Je reste pour dîner, mais je ne pourrais pas t'en parler plus longtemps, car ta mère arrive. Je compte sur toi, j'ai déposé sur ton bureau un petit dossier avec des instructions et tous les renseignements nécessaires. Que tu le fasses ou non détruit-le."

" Ma mère risque de le voir !"

" Oh non, elle ne fouille pas dans les affaires de son fils, elle a été trop bien élevée pour cela. Et puis j'ai placé les trois feuillets pliés sous la couverture d'un des Penthouse caché sous la pile en fouillis."

" Tu as été fouiller jusque là ?"

" Non, je suis tombée dessus par hasard. De toute façon tes histoires personnelles ne m'intéressent que si tu as besoin de moi pour les résoudre... Une dernière chose, enfin c'est écrit dans la fiche mais c'est quand même important, ne me téléphone pas, je suis sur écoutes."

" J'y crois pas, toi sur écoutes ? On se croirait dans un mauvais roman policier..."

( Mais vous le savez on est dans très mauvais roman policier...).

 

Vous lisez tranquillement alors que je commence à geler dans mon grenier qui n'est pas chauffé. Je vais certainement mourir de froid si cela ne s'arrange pas avant la fin de l'histoire. A son insu vous montez dans la chambre de Serge.

Sur le haut de la pile d'écrits divers un vous frappe particulièrement.

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TOP SECRETULTRA CONFIDENTIEL

ACCES RESERVE AUX INITIES

 

Ceci est un baratin totalement inutile ayant pour seule finalité celle d'utiliser la machine à écrire. Au cas où vous voudriez quand même le lire, vous ne viendrez pas vous plaindre que c'est totalement inepte, vous aurez été prévenu. Venons en donc maintenant aux faits puisque vous avec absolument tenu à satisfaire votre curiosité maladive... Vous êtes en ce moment en train de lire un document ultra confidentiel qui ne s'autodétruira pas après le passage de vos yeux impies sur ces mots que jamais ils n'auraient du voir. Maintenant c'est trop tard pour revenir en arrière, vous en savez trop et pas assez, trop parce que vous n'auriez jamais du entamer la lecture de ce qui va suivre et de ce qui a précédé, pas assez parce que vous n'avez pas encore rassasié cette curiosité maladive dont il était fait état plus haut et qui vous pousse à continuer plus avant le viol de document secret. En conséquence de cet acte d'une bravoure incroyable au regard du sort auquel vous promet ce délit, vous allez bientôt regretter votre inconscience, et d'une manière suffisante pour vous dissuader de jamais recommencer dans ce qui vous restera de vie après votre crime. Non ce ne sera pas dans d'ignobles tortures que vous vous repentirez, ni dans des sévices cruels ou des pressions sur vos proches, non c'est le remord qui minera votre existence...

Il est encore temps d'arrêter, il en sera tenu compte... Non ? Vraiment ? Si vous lisez ceci c'est que vous avez bravé la mise en garde qui vient de vous être réitérée, maintenant il est trop tard, vous saurez tout, mais bientôt vous serez rongé par le remord.

Ca y est vous dites-vous, je vais enfin savoir de quoi il en retourne... En un sens vous avez raison car voici venu le moment de la révélation... Ce texte est absolument creux, oui vous avez bien lu, il n'y a absolument rien à apprendre. Quelle déception dans votre regard, non vous n'avez pas satisfait vos instincts lubriques attisés à l'idée de quelque histoire salace ou sordide, non rien de cela ne viendra alimenter vos ragots, absolument rien, vraiment rien. Vous venez de perdre quelques uns des précieux instants de votre vie à lire un texte d'une banalité et d'une inutilité effroyables. N'aviez-vous donc rien d'autre à faire ? N'aviez vous pas quelque occupation en train au moment où vous avez porté le regard sur cette feuille qui traînait innocemment quelquepart où elle n'aurait pas du être. A présent vous regrettez ces instants perdus à fleureter avec l'irrationnelle tentation de la satisfaction de la curiosité... Voilà donc pointer le châtiment qui vous était promis, non seulement vous avez perdu votre temps en pure perte mais vous le regrettez maintenant... Bien fait pour vous...

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Veuillez m'excuser, je suis très brouillon, j'ai encore oublié de ranger ce papier dans un de mes tiroirs. Il a du rester coincé dans la chambre de Serge la dernière fois que je l'ai démontée. Je tiens d'ailleurs à remercier mon frère qui m'a donné son aval pour publier son chef d'oeuvre qui s'intègre admirablement bien dans mon roman. Je le reprend, je le lui rendrais.

 

Serge monte tranquillement les escaliers. Je vous ramasse en même temps que la feuille de mon frère et vous glisse dans un coin de la page où Serge ne viendra pas vous chercher je vous l'assure. Il défait sa pile pour y extraire un Penthouse et ouvre la couverture. Avant de s'attaquer férocement aux trois feuillets écrits à la main il feuillette les pages qui l'intéressent et s'attarde quelques seconde sur ce ravissant mannequin nu de la huitième page. Puis il le referme en secouant la tête pour chasser les idées gênantes. S'asseyant acrobatiquement sur sa chaise il se plonge dans la lecture des indications de Mireille. Un des détails qui frappe le plus Serge est la présence de Simon dans l'appartement de Jean. Il y a aussi le fait qu'il ne doive par révéler la connaissance qu'a Mireille de l'enquête privée. De toutes façons, une fois qu'il aura le document il pourra juger sur pièces. Au lieu de redescendre pour allumer la télévision Serge commence à mettre en oeuvre une stratégie d'attaque. Sur l'échiquier Serge est le cavalier, celui dont le déplacement par dessus les pièces surprend toujours. Serge va en parler à Gaëlle parce qu'il le faut.

 

Il serait temps que vous compreniez l'histoire passée dans son ensemble. Comment les échantillons ont-ils pu arriver jusqu'à monsieur Bailles ?

 

Ce que nous savons est simple. Julien Bailles les avait dans son portefeuille lors de son accident, après sa mort cet objet personnel a été restitué à ses parents. Mais d'où viennent les échantillons ? Bien avant d'entrer dans le portefeuille de Julien ces échantillons avaient été subtilisés par Mireille Abiard. Mais cela fait déjà plus d'un an que ce vol a été commis, entre temps bien des gens ont parcouru les larges allées des trois Fontaines. Entre Mireille et Julien le point commun de cette affaire n'est pas Serge, car il serait au courant mais Mathieu. Assez de déductions logiques écoutons plutôt la conversation de Mathieu avec Cathia, son nouveau "petit coeur".

" Hier deux inspecteurs sont passés à la maison pour me retrouver. Je peux rester un peu avec toi pour que cela se calme ?"

" Je croyais que tu avais trouvé un arrangement avec la police ?"

" Tu sais je n'ai pas confiance en cette police qui te fait mentir et te fait accuser pour des choses que tu n'as pas commises. A y réfléchir, je préférerais ne pas m'être embarqué dans cette galère..."

" Pourquoi, tu serais en tôle, et je serais seule..."

Mathieu prend délicatement la main de Cathia.

" C'est vrai mais je ne me sens pas à l'aise. Tu sais Julien est mort d'un accident de voiture..."

" Oui, et alors ?"

" Alors je viens d'apprendre que monsieur Abiard a lui aussi clamsé dans un accident dans son bureau..."

" Quoi ?"

" Cela me parait très louche., je voudrais pas être le prochain sur cette liste d'accidents..."

" Mais Julien, quel rapport avec Julien ?"

" Julien ? Je t'en ai parlé, il était là le 23 Mars avec moi dans l'appart de Stéphane..."

" Ils ne l'on pas liquidé uniquement pour cela..."

" Je lui ai aussi donné quelques pièces à convictions qui tenteraient à prouver que j'ai commis ce vol chez les Abiard..."

" Mais tu les as eu où ces pièces ?"

" Tu sais le vieux schnock qui m'a proposé l'arrangement..."

" Oui, je vois"

" Eh bien il m'a aussi donné des pièces volées dans l'appartement pour prouver ma participation."

" Cool la police... Et tu n'as rien dit ?"

" Un petit cambriolage à endosser avec peu de vols contre plusieurs années de tôle, je n'ai pas pu refuser..."

" Pourquoi lui avoir donné des pièces à conviction..."

Mathieu pousse un rire nerveux...

" ... Il est venu à la maison pour me dire qu'il avait urgemment besoin de capotes..."

" Qui ?"

" Julien ! Et comme je n'avais que le lot des pièces à conviction je les lui ai données..."

" Des capotes ? Mais pourquoi aurais-tu volé des capotes ?"

" Monsieur Abiard avait l'habitude de mettre quelques capotes d'avance dans le coffre à bijoux de sa femme... Et ils ont volé le coffre..."

Le reste de la conversation est strictement personnel. Vous avez suivi ? J'espère. De Rhones Poulenc à Mireille, de Mireille aux inspecteurs des renseignements généraux, de là à Mathieu qui le donne à Julien et dont ses parents héritent, un chemin bien compliqué. Seule Mireille pourrait reconnaître ces échantillons mais elle les croit volatilisés, disparus dans une poubelle comme l'a indiqué Mathieu au commissaire lors de sa fausse interpellation. Et puis elle n'a pas voulu insister, Robert se serait posé des questions sur ces sachets de préservatifs... Mieux valait qu'il n'en soit pas fait état. Elle ne voulait pas non plus éveiller les soupçons que les renseignements généraux portaient déjà sur elle.

Cette affaire elle l'avait pourtant bien montée. Elle s'était arrangée pour porter l'attention des renseignements généraux sur elle le temps qu'un de ses amis récupère les échantillons. Le hasard avait précipité les choses, l'occasion de soustraire les échantillons à son organisation s'était présentée alors qu'elle se savait surveillée. Cette même malchance a voulu que le seul jour où les échantillons séjournèrent chez elle les inspecteurs firent leur perquisition sans mandat... Le pire étant que pour camoufler leur recherche veine en simple cambriolage crapuleux ils emportent justement ce qu'il ne fallait pas. Elle se doute que ce cambriolage n'est pas un simple cambriolage mais il est vrai aussi que les bijoux étaient les seuls objets de valeur facilement préhensibles.

Ces bijoux volés dont je vous avait parlé, se trouvaient en partie dans le butin que la police trouva facilement chez Mathieu. Seule la grosse bague avec un diamant ne s'y trouvait plus. Une interpellation rapide, un coupable qui se dénonce simplement. Mireille pousse son à mari à retirer la plainte. Histoire presque classée pour Mathieu. Par un curieux hasard le diamant lui se trouve sur la bague de la maîtresse d'un fonctionnaire des renseignements généraux. On peut dire qu'il n'a pas été perdu pour tout le monde.

 

" Tu ne voleras point, tu ne tueras point... Dieu qui pardonna tout hier vous fera payer demain au centuple cette déviation de la morale. Craignez son courroux."

 

Serge descend dans le salon. Mireille a laissé un mot sur la table "Je suis partie faire des commissions, reviens pour manger". Il décroche le combiné et compose rapidement un numéro qu'il connaît par coeur. L'alternance d'un bref silence et d'un long son continu augmente sa tension nerveuse.

" Allo ?"

Serge reconnait la voix de Gaëlle

" Allo Gaëlle, c'est Serge."

" Oui, tu m'excuseras de ne pas être rentré avec toi cette après midi mais mon père m'attendais à la sortie du Lycée."

" Pas grave. J'ai besoin de ton aide. Tu peux me voir ce soir ?"

" Biensûr, mais tu ne crois pas que c'est un peu tôt ?"

" Tôt pour quoi ?"

" Je ne veux pas recommencer comme avant..."

" Ecoute, j'ai besoin de ton aide, j'ai un problème important que je ne peux pas te dire au téléphone."

" Tu ne me l'avais jamais faite celle-là !"

" Ecoute, pense ce que tu voudras, il faut que je te voie."

" Je viens parce que monsieur a une envie soudaine."

" Gaëlle, ne le prend pas comme ça, Ca fait deux semaines que je me retiens de te téléphoner, maintenant que nous sommes à nouveau ensemble, je ne tiens pas à te perdre pour m'être précipité. Mais il se trouve que tu es la seule personne a qui je puisse en parler et qui puisse m'aider à trouver une solution actuellement. Je veux te voir ce soir pour t'en parler. Quand à ce que tu penses... je t'aime et je pense à toi."

" Moi aussi je pense à toi, mais je ne veux pas que cela devienne ce que c'était devenu. Puisque tu me fais la promesse de bien te tenir, c'est d'accord je viendrais ce soir. Mais où ?"

" Au boowling ..."

" Tu as confiance en Sophie ?"

" Evidemment !"

" Dis-lui de venir alors, comme-ça tu ne seras pas seule, et puis pour mon problème plusieurs avis valent mieux qu'un"

" Je vais voir avec elle"

 

Il n'est pas nécessaire non plus que je vous abreuve du reste de la conversation elle ne vous apprendrait rien. Peut-être pourrais-je en tirer quelques pages, mais mon éditeur a refusé de me payer à la page.

 

Le repas à peine descendu dans les entrailles de notre Arsène en herbe, celui-ci prend sommairement congé de sa mère et fait un petit signe de connivence à Mireille. Le "Où vas-tu" de Martine s'éteint de lui même dans le grand salon. " A son âge c'est normal de sortir comme ça..." sourit Mireille avec la conviction que Serge travaille désormais avec elle. Serge est en avance. Au boowling règne une atmosphère. Pas d'adjectif particulier pour la qualifier. "Atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère". Le long comptoir derrière lequel le barman prépare les consommations est séparé des pistes par une étendue de petites tables en fer astiqué autours desquelles les buveurs discutent. A droite en entrant, les tables de billards américains et les jeux de cafés attirent les plus jeunes. Pourtant Serge se dirige vers une table vide. Le bruit des quilles qui chutent, des boules qui se percutent et des discussions diverses confèrent à ce lieu les qualités essentielles pour cette rencontre digne d'un mauvais film policier. Gaëlle et Sophie arrivent enfin alors que Serge vient de commander un Coca. "As ton avis qu'est-ce qu'il nous veut ?" demande Sophie à Gaëlle. " Je n'en sais rien, mais ça a l'air important.". Serge expose avec attention la situation de sa tante à ses deux amies, leur demandant conseil.

" A sa place je me dénoncerai quand même à la police" commence Gaëlle

" Cela ne me parait pas la meilleure idée, la Police détient une coupable modèle. A-t'elle un alibi pour la soirée du meurtre ?" poursuit Sophie. Serge sort les feuilles manuscrites. " Elle écrit: La personne avec qui j'étais ce soir-là ne peut me servir d'alibi. D'ailleurs il est probable qu'il soit impliqué... Rien de plus".

" Donc pas d'alibi !" commente Sophie "En tout cas il s'agit d'un homme."

Serge déploie une sincérité à couper le souffle pour convaincre ses amies de l'aider. La tâche semble difficile. Le serveur apporte le Coca et demande la commande de Sophie et de Gaëlle. "Je vous l'offre" prononce rapidement Serge.

" Une fois que l'on aura le dossier, on pourra le regarder, on saura alors la vérité. Et puis s'il s'avère que j'ai eu tort on peut toujours rendre le dossier à son propriétaire. Nous en savons certainement plus sur ma tante que les renseignements généraux cela pourra être une monnaie d'échange."

Les deux copines se regardent puis acquiescent. " Comment va-t'on s'y prendre ? Tu as une idée".

" Simplement !". Serge expose alors son idée qui semble plaire à Gaëlle et Sophie qui n'y jouent qu'un rôle de diversion.

Les deux Orangina en petites bouteilles s'approchent sur un plateau de tables en tables pour aboutir sur celle du Club de trois. Serge regarde le nombre à virgule s'inscrivant sur la note et commente comme à son habitude " Ils ne se mouchent pas du pied pour les boissons ici..." mais paie avec un billet de cent francs, son argent de poche pour la semaine. "Inutile de vous dire de ne rien répéter, cela reste entre nous tant que l'histoire n'est pas réglée." dit Serge laissant son regard parcourir les cheveux brillants très bruns coupés mi-court de Gaëlle. Un mouvement des yeux en spirale fixe l'attention de Serge sur les yeux de Gaëlle. Sophie se sent gênée, sa réflexion se polarise sur leur regard mais avec un effort très personnel elle regarde en direction des flippers. Gaëlle ne s'en préoccupe pas, elle a trop souvent eu la place de Sophie dans ce type de confrontation à trois. Ce n'est qu'un juste retour des choses. " Ce n'est pas tout mais il va falloir rentrer, on a cours assez tôt demain." annonce Sophie avec force.

" Eh bien pour moi c'est fini, on se voit demain, tu n'as qu'à rentrer.". Serge se rend compte de son impolitesse, mais il pense qu'elle est la hauteur du dérangement provoqué par la proposition de Sophie. Il oublie que Gaëlle ne laissera pas Sophie rentrer seule. " Bon, donc on y va !" décide Gaëlle. Ils se lèvent. Serge penche son visage vers Sophie et lui fait la bise. Gaëlle attend Serge sans bouger, debout, à la fois prête à succomber à la tentation d'un baiser langoureux et à l'envie contradictoire de freiner Serge dans son élan. D'où sa surprise et son absence de réaction lorsque Serge lui dépose une seule bise sur la joue gauche en lui tenant les mains. Après une hésitation Gaëlle amorce un pas puis suit Sophie sans se retourner. Serge ramasse sa monnaie avec contentement et rentre chez lui.

 

Vient alors le moment pour le pauvre écrivain que je suis de vous relater le vol du dossier. Il se trouve que je n'ai plus d'idée, je me suis vidé. Et puis l'important est de savoir qu'ils finissent par le voler, non ? Donc avant le prochain chapitre, grâce à l'astuce de Serge, la petite troupe réussit à dérober le dossier dans l'appartement de Simon et par conséquent de Jean puisqu'ils vivent ensemble. Cette histoire, à vous de la deviner, de trouver quel subtil moyen pourrait employer Serge. Je vous donne quelques points clefs. Il faut que Simon soit seul chez lui, qu'il sorte de son appartement en laissant la porte ouverte quelques minutes le temps pour Serge d'effectuer son travail de recherche. Evidemment pour que cela fonctionne, il faut la chance. Mais en l'occurrence, la chance c'est vous ! La diversion est provoquée par Gaëlle et Sophie. Simon habite dans Cergy, lui aussi en appartement au premier étage. Un petit point clef ? Simon est très connu dans le quartier pour être animateur-secouriste. Est-ce suffisant ?

Ne vous inquiétez pas, cette fois-ci je ne ramasserai pas les copies.

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