Lutte avec l'insomnie par philippe lhardy

CHAPITRE II


CONJUGUONS A DEUX LE VERBE AIMER

Un long jour inintéressant s'est écoulé parmi les lignes maladroites du chapitre précédant.Deux pièces forment l'agence du détective Malcom. La première sert à l'accueil. Sur le bureau en bois massif trois boîtes à fiches, une à cigare et un présentoir à stylo dévoilent leur maigre contenu au client attentif. Face à celui-ci, juste sur le mur derrière le bureau, au dessus du crâne dégarni de Malcom, une vitrine fermée par un cadenas expose d'impressionnantes armes à feu, pièces de collection, fierté de leur propriétaire. Pourtant Malcom n'accorde que très peu d'intérêt à ce petit salon, il ne sert qu'à mettre le client en confiance.

Une porte aux allures de sortie de secours donne sur le véritable lieu de travail. En plongeant le regard de l'autre côté de la cloison, on aperçoit de lourdes armoires dont les casiers à clefs protègent les dossiers et les investigations de notre regard curieux.

Au début de sa carrière cette pièce était elle-même divisée en deux, l'autre moitié servant de chambre noire pour le développement des photos. Abandonnant cette activité à un photographe de sa connaissance Malcom détruisit le mur pour agrandir l'espace. Le relief de l'assise de l'ancien mur confère à ce bureau un côté provisoire renforcé par un lit de camp militaire vide en solide toile kaki ne servant plus maintenant qu'à supporter les papiers inclassables. La pièce ressemble plus à un quartier général en pleine ébullition à la veille de l'attaque finale qu'à une antichambre sereine artistiquement préparée à la méditation. Un bureau métallique à côté d'une fenêtre supporte avec difficulté le matériel informatique. Juste à côté un autre meuble en fouillis contient toute la comptabilité et copies des feuilles de paies depuis l'ouverture du cabinet.

Assis sur un siège ergonomique, Malcom manie avec une dextérité toute nouvelle la souris de son micro-ordinateur. Grâce à son matériel Malcom peut consulter les informations confidentielles de renseignements généraux. Malcom ne dispose pas d'un accès particulier à un serveur mais, grâce à un ami très fidèle, il récupère les dossiers sous forme de disques laser. Surpris la première fois, lorsque son ami lui tend un CD en lui laissant sous entendre qu'il contenait un an d'archives, Malcom s'y est habitué. Cela fait seulement six mois que son matériel est installé et déjà avec sa quinzaine de disques Malcom est devenu un des privés les mieux renseignés de l'hexagone. Malcom joue avec le disque reflétant un secteur d'arc en ciel qu'il s'amuse à faire parcourir sur toute sa surface en l'orientant au soleil. Puis il l'introduit sur une platine qui avale son compact dans une ronronnement sourd. Il pousse le bouton ON/OFF et l'engin se met en route. Tapotant avec le majeur sur son clavier plastique le nom de Mireille Abiard, il en tire à son plus grand étonnement une longue fiche détaillée que soufflote son imprimante laser Hellwet Packard. Un dossier en fait : soixante pages de textes et de descriptions. Au fur et à mesure que les feuilles se noircissent une phrase résonne dans sa tête : " Il doit s'agir de quelque-chose d'important" . le voyant Paper de son Helwet Packard clignote au rouge, Malcom nourrit son bac d'alimentation avec des feuilles vierges. Puis Malcom se plonge avec délectation dans les activités de Mireille...

Le prénom de Robert n'apparait qu'à trois ou quatre reprises dans les rapports pour stipuler qu'il est son mari. Possédant un curriculum aussi long qu'un rouleau de papier toilette, Mireille postule souvent pour des travaux de secrétariat dans des entreprises de haute technologie et sa candidature semble très appréciée. Parmi ces sociétés : IBM, technospace, Sagem ne sont pas les moindres... Une étonnante liste. Curieusement ces emplois se finissent toujours sur la demande de Mireille. Pour Malcom l'histoire parait simple : un espionnage industriel commandité par une entreprise probablement étrangère. Les inspecteurs chargés de cette enquête ne réussirent pas à mettre le doigt sur le vecteur d'information. Entre son travail, sa vie familiale, de rares amis rien ne lui permettait de transmettre ses informations. L'affaire a été classée après trois mois de recherches infructueuses, temps pendant lequel Mireille changea d'entreprise. Cette enquête avait coûté cher et ni dans les comptes épluchés de monsieur et madame Abiard, ni dans les conversations téléphoniques que ce soit chez elle ou au travail ni même dans son appartement nos deux inspecteurs ne trouvèrent le moindre indice permettant de justifier une telle dépense. L'enquête avait stoppée après soixante pages détaillées de banalités époustouflantes. Cela ne vous rapelle rien ?

 

" Craignez l'Apocalypse, elle arrive, Dieu dans son intense sévérité a décidé de remettre de l'ordre dans son jeu de Lego."

 

Le 23 Mars de l'année précédente, Robert Abiard qui rentrait plus tard que prévu ce soir là, trouva sa maison dans un état invraisemblable. Les cambrioleurs s'étaient acharnés sur tout ce qui avait des serrures, et s'ils n'avaient pas emportés quelques objets de valeurs, parmi lesquels un joli diamant monté sur la première bague que monsieur Abiard avait offert à sa femme, on jurerait que le but était de chercher dans les papiers. Robert s'était assis calmement sur une chaise dans sa cuisine, seule pièce visiblement épargnée. Cette bague n'avait d'autre valeur que sentimentale avant qu'il y fit ajouter le diamant. Robert se souvient, bien avant son mariage, avoir coulé la bague sur le doigt ému de Mireille et de la langue étreinte qui s'en suivit. Il voulu après son mariage que sa femme la porta à nouveau, mais puisqu'elle en possédait de plus belles, il commanda à un bijoutier la couteuse modification. Mireille en fut émerveillée, pour elle aussi ce présent avait une valeur, et de le rendre précieux si longtemps après le mariage ne faisait que confirmer leur union. Cette perte l'affecta assez profondément.

Ce même après midi du 23 Mars de cette année-là, Julien désoeuvré l'avait passé avec deux de ses copains. Mathieu qui n'était pas du tout fréquentable comme aurait dit le père de Julien s'il avait été là, roulait entre ses doigts ce que l'on appelle communément un cône. Après avoir chauffé le bout le plus évasé de son pétard (pour continuer dans le vocabulaire) la petite barrette séchée qui se trouvait à l'intérieur commença à dégager son odeur âpre. Mathieu tira une latte et avec un sourire niais présenta l'objet à Julien. Julien savait de quoi il en retournait, non pour en avoir déjà fumé mais par un feuilleton télévisé, tendit la main; il voulait essayer, et puis ici il n'y avait aucun danger : les parents de Stéphane n'étaient pas de retour avant le soir; il suffirait d'ouvrir les fenêtres de la chambre et personne ne se douterait de l'innommable délit. Les yeux de Julien se ramollirent et en plus des larmes qui s'écoulaient dessus, les images commencèrent à ressembler à leur reflet sur un lac soumis à une forte brise. Après avoir fumé, ils ne s'en tinrent pas à cela. Julien déprimait un peu en parlant de Sophie avec qui il aimerait bien tester sa virilité. Il sentait qu'elle le fuyait. Dans la petite cuisine un bar s'ouvre sur une quantité peu impressionnante de bouteilles, quelques verres de gin orange engouffrés et Julien prit congé de ses amis. L'ascenseur se jeta sur lui, il était déjà dans la rue. Il remua la tête comme pour chasser de son esprit un quelconque mauvais rêve, il fallait qu'il retrouve la voiture de sa mère. Il marchait dans la rue quand les dalles se mirent à bouger. Ce jeune homme de dix-sept ans aux cheveux bruns qui voyait les dalles en histogrammes, c'était Julien. L'air qui emplissait ses poumons devenait nauséabond, poussant son corps à expulser de son estomac l'alcool ingurgité. Le sol en petites plaques rouges rectangulaire dessinant des motifs géométriques sur la chaussée prenait des formes de plus en plus incurvées. Julien se battait avec sa tête pour qu'elle ne roule pas par terre comme une grosse boule de boowling. Il s'assit sur le rebord d'un rond que l'architecte fit percer dans le mur pour des raisons esthétiques. Julien regardait l'image de la vitrine du magasin de chaussure défiler verticalement sur son récepteur mal réglé. Il reprit son chemin pensant à son économie, matière qui lui posait de sérieux problèmes. Pendant son voyage à la recherche de sa voiture, les sons lui parvenaient avec des fluctuations d'intensité sans aucune mesure avec l'équilibre monétaire de l'Argentine. Assis dans sa voiture dans le Parking devant les trois Fontaines, Julien cuvait tranquillement son alcool et dissipait la fumée qui encombrait son esprit. Il rentra finalement chez lui. Il y a un Dieu pour les alcooliques, ce ne serait pas cette fois-ci que le pare brise viendrait écraser sa tête contre l'appui-tête.

 

Je vous sens réfléchir, vous reprochez à Julien d'être faible, de s'être laissé entraîner. Un peu plus vous diriez qu'il a mérité son accident. S'il l'avait eu à cause de l'ivresse, ce serait compréhensible, hélas, le destin en a décidé autrement et c'est vous et vous seul qu'il faut rendre responsable de cet accident qui en fait est un homicide involontaire. Il n'y a donc pas de cause, ni d'effet entre cette histoire et son accident. Mais elle a un effet sur la petite histoire. Je vous titille le cervelet, le centre précis de la curiosité pendouille d'excitation, mais qu'est-ce que la petite histoire ?

 

Il s'était écoulé six jours depuis leur réunion. Mathieu, à la sortie du Lycée, attendait calmement, assis sur un pilier tronqué en béton, un de ses acheteur les plus assidus. Tom, les cheveux très foncés coiffés en bataille vers le sommet du crâne, était le pivot d'un petit commerce que lui seul était en mesure d'alimenter. Il s'approcha de Mathieu et comme à son habitude lui serra vigoureusement la main. Mathieu lui tendit et la marchandise et Tom régla avec un large sourire. Scène habituelle, une petite variation vint casser ce superbe rouage... Un policier en civil, averti certainement par une de ses sources s'interposa. "Suivez-moi tous les deux au poste, nous avons à discuter..."

Ce même après-midi de cette journée maussade du 30 Mars, l'inspecteur se rendit avec un mandat perquisitionner au domicile de Mathieu. Dans le squat qui lui sert de chambre l'inspecteur et ses assistants mit à nu non seulement ce trafic de drogue, sur lequel le divisionnaire aurait pu fermer l'oeil mais aussi des armes à feux de divers calibres ainsi que des objets de recèle. Ses parents, affolés ne savent que dire. "Ce n'est pas possible, ce ne peut être notre Mathieu, nous qui l'avons connu si...". Mathieu reste muet les yeux droits fixes, provocateur.

 

Qui a envie de connaître quelquechose qui lui arrive tous les jours ? La tête de la vendeuse à qui vous n'avez pas dit merci assez fort, le pied du voyageur dans le RER qui écrase systématiquement les vôtres et auxquels vous répondez en coinçant vos jambes contre votre fauteuil, le regard foudroyant de cette charmante automobiliste qui ne vous a pas vu arriver.

Ouvrez la fenêtre et criez "Merde, merde, merde et reremerde" très fort à vous en faire péter les cordes vocales, à briser les tympans mal lavés de votre voisin d'en face. Si vous y arrivez, vous entendrez ce que tout le monde a en lui, cette impression de n'être rien de vivre pour ne pas aller plus loin que le point de départ. Vous croyez vraiment qu'il y a une utilité à la vie ? Oui, alors c'est parfait, non, eh bien vos gueules vous qui ne pensez pas juste, vous qui empêchez les gens bien pensants de continuer leur longue route sur la trajectoire de leur carrière si bien tracée. Voilà simplement ce qu'Eric a envie de crier, de hurler pour qu'on l'entende. Eric, celui que les plus intelligents de la classe on surnommé le gnome, celui dont ses propres amis se moquent en murmurant entre eux qu'il se masturbe en lisant des ouvrages de mathématiques, celui qui dans tout sa haine pour son passé a décidé ce jour-là de passer de l'autre côté de la réalité. Il ne mettra pas fin à ses jours, pourquoi ? Il est taillé pour tous les manger, et malgré sa petite taille sa hargne le propulsera il en est certain assez haut pour leur faire tous avaler le tas excrémentiel qu'ils avaient mijoté pour lui.

 

L'affaire concernant Mathieu aurait du remonter haut mais aujourd'hui Mathieu à d'autres chats à fouetter. Il vient de chercher Cathia sur sa moto et ils s'arrête devant un bar.

 

Serge, une fois dans sa chambre, pousse avec toujours le même doigt le bouton Play de son lecteur de compact après y avoir inséré un laser. "J'aime regarder les filles qui marchent sur la plage" inonde les oreilles et les pensées de Serge le temps pour lui de sortir de son sac ses affaires de classe. Il s'assoit et réfléchit, il s'imagine posant son bras le long du dos de Gaëlle et l'emmenant comme au bon vieux temps visiter une librairie ou bien faire une halte dans un bistrot. Il discute avec elle de la mauvaise note de leur fils à l'école, doivent-t'ils le gronder ou bien ne pas le faire souffrir d'avantage. Hélas la réalité lui revient à l'esprit sous forme de Questionnaire à choix multiple à-rendre-impérativement-pour-Vendredi. A la fin de sa page, il se voit chevauchant un grand destrier noir face à une horde de barbare qui s'enfuit avec Gaëlle sur le dos d'un mastoc mal lavé. C'est sous ses yeux dans sa tente que ces barbares ont enlevé son coeur, alors qu'il lui enfilait la bague ornée d'un saphir énorme symbolisant leur union nouvelle. Il sort l'épée du fourreau et étripe tue et dépèce tous ces gens qui vont à l'encontre de son bonheur. Sa lame heurte d'abord par derrière le cou d'un cavalier. La tête ne se désolidarise pas du tronc et l'épée même rebondit sur le haut de sa cuirasse. Mais la veine jugulaire est tranchée et vide à gros débit le contenu sanguin de notre voleur de femmes. Ulrich sent son coeur exploser, au quinzième battement un dernier souffle lui fait remonter sur les papille l'odeur ferreuse du sang. Sa vue se trouble, il lâche la bride, il est accueilli avec tourments par le sol boueux d'un champ en attente de germination. Serge sort maintenant un arc tout en serrant très fort ses cuisses sur le dos de son cheval rallentissant. Trois flèches s'en vont et chacune comme par enchantement atteint sa cible qui stoppe pour se soustraire à la destinée. Jetant son arc il s'abaisse pour lancer son cheval vers l'unique rescapé qui lâche Gaëlle au croisement d'un chemin. Serge s'approche lentement, il soulève Gaëlle l'aide à se remettre sur ses pieds nus et toujours au moment où il doit la serrer, doucement pour ne pas l'empêcher de respirer, contre sa poitrine où son coeur vibre, sa mère l'appelle : "Serge, je t'ai fait chauffé ton lait". Le quatre heures de monsieur est avancé... Depuis que monsieur Gros a quitté la maison tout est rentré dans l'ordre, le calme, les discussions parentales, tout est redevenu normal. Deux années se sont écoulées et monsieur Gros a refait sa vie avec une de ses anciennes amies. Serge doute d'ailleurs qu'elle fut un jour une "ancienne" amie. Désormais seule, sa mère a décidée de s'occuper de son travail et de Serge sans laisser libre cours à ses envies d'hommes. Serge fête demain ses dix-sept ans, ses copains lui ont préparé une petite surprise. Elle n'appartient pas à la petite histoire, mais tant pis !

 

"Craignez, mes amis, craignez tous l'Apocalypse plutôt que de craindre l'absence de treizième mois, car Dieu dans son infinie bonté le vous laissera."

 

Dans un bar Mathieu s'amuse aujourd'hui avec sa conquête à compter le nombre de K que l'on peut trouver sur un paquet de Marlborho. Le corsage de son amie laisse paraître ses formes avantageuses, Mathieu sourit en pensant y éteindre sa cigarette. Elle part pour les toilettes pour dames qu'elle ne connaît que sous l'appellation "Chiottes" et lorsqu'elle se rassied sur sa chaise elle sent sous ses fesse la grosse main de Mathieu que celui-ci avait exprès laissé traîner là. En la retirant Mathieu découvre un peu le slip à peine caché par la jupe courte de Cathia avec un rire gras et guttural provenant du plus profond de son animalité. Cathia sera dans son lit ce soir ou bien il veut bien se renverser sa Kro sur la tête avant même de la boire. Pourtant, il se trompe, dommage pour sa coiffure... Il ne se trompe que très peu en fait, la vérité est que c'est lui qui se retrouvera dans le "plumard" de Cathia ce soir. Et Mathieu parle, et Cathia écoute. Cathia aime bien ces histoires de gens pas communs qui vouent à la moralité une indifférence singulière. Elle écoute et entend Mathieu lui parler de cet homme qui lui a fait promettre de ne pas révéler la vérité

- Il m'a dit qu'il égarait purement et simplement mon dossier si j'acceptais de dire que j'avais commis le cambriolage du 23 Mars, chez les Abiards.

- Et tu as accepté ?

- Biensûr, c'était vachement intéressant.

- Tu as été jugé pour ça ?

- Non, sachant qu'il s'agissait d'un jeune Mme Abiard a retiré sa plainte.

Elle se remplit les oreilles de cette voix douce que sait utiliser Mathieu lorsqu'il parle d'affaires graves, elle sait maintenant pour Stéphane et Julien. "Ah, ah si tu avais vu la tête de Julien quand il est parti, il avait une gueule de mort-vivant !".

 

Je sais vous en avez -plus-que-marre- de ne pas pouvoir lire une histoire continue dans laquelle vous n'avez pas à zapper d'une idée à l'autre. Notre époque télévisuelle raffole de ces effets où le spectateur doit subir le hoquètement de la caméra. Oh calme du Grand Bleu de Besson où tout coule lentement, où l'on ne suit pas dix-sept personnes se retrouvant à la fin comme dans un film à la Lelouch, mais oserais-je me comparer à eux ? Mais voyez-vous j'ai été élevé devant un petit écran, et j'adore cette sensation. A cet instant même j'achève ma vue qui décline sur l'écran bleu de mon ordinateur. On ne lutte pas contre son éducation, mais cela n'empêche pas de voir les choses comme elles sont. Je m'abstiens de juger qui que ce soit, ils font tous de leur mieux pour se donner une raison de vivre que ce soit Serge ou bien Eric, tous sont gentiment complices de leur destinée. C'était encore une interruption momentanée du récit.

 

Sophie est désemparée, ce qu'elle regrette le plus sans que cela effleure sa conscience n'est pas la mort de Julien. En fait le plus dur à accepter en est la conséquence : l'absence éternelle. Il n'y a plus personne pour lui téléphoner, pour la désirer comme ça sans mettre de faux-semblants. Qu'il l'embrasse, qu'il la couche sur le lit et la déshabille lentement cela fait partie des choses qu'elle pense pouvoir obtenir de n'importe quel garçon normal pourvu qu'elle l'allume un peu. Mais que le garçon ne s'en monte pas la tête qu'il propose autre chose voilà qui lui semble impossible désormais. Elle fouille dans ses vieux papiers qu'elle garde dans son classeur de mathématiques datant de la troisième et sort une feuille bien blanche sur laquelle des lignes écrites à la main croisent deux longs plis à l'équerre. Et elle lit:

- Chère Sophie, depuis notre dernière rencontre je sais que nous sommes fait l'un pour l'autre. Tu peux hésiter, me laisser tomber, me narguer jamais tu pourras me prouver que ton coeur ne fait pas des bonds plus grands lorsque tu penses à moi. Je le sais car c'est la même chose pour moi. Je t'aime et je te le prouverai aussi longtemps que je pourrai te joindre. Tes yeux ne sont jamais plus beaux que lorsque tu me regardes. Ton corps entier est un hommage à la beauté. Te voir c'est t'admirer. Téléphone chez moi à l'heure qui te plaira, réveille moi s'il le faut mais ne me laisse pas attendre. A bientôt. Un coeur qui bats pour toi. -

Une larme immense immerge la paupière inférieure de son oeil droit et s'écoule le long de la joue pour auréoler le é du téléphone griffonné sur la feuille de Julien. Sophie, en essuyant avec sa paume la trace chaude se convaint qu'il n'aimait qu'elle. Elle pince sa lèvre inférieure avec sa mâchoire supérieure tout en portant ses yeux vers son nez. Les larmes continuent de couler. Elle se dit que ce n'est pas possible. Pourquoi est-ce maintenant qu'elle s'aperçoit... qu'elle l'aimait tant ?

Julien aimait Sophie, mais ce qu'il aurait voulu par dessus tout c'est de pouvoir coucher avec elle. Il avait tout prévu. Une virée pour un motif quelconque, une panne de voiture bien loin, une nuit d'hôtel à deux sans oublier le petit sachet d'apparence métallique renfermant son préservatif favori. Quatre de ces sachets se trouvaient d'ailleurs dans son portefeuille au moment de l'accident et aucun des policiers n'aurait pensé à les ouvrir pour en voir le contenu. Qu'allait donc faire dans un de ces sachet l'échantillon de ce nouveau produit miracle : l'énergitophème qui est au futur ce que l'aspirine est aux maux actuels ? Pourquoi caché dans un emballage si inattendu ?

 

De son bureau monsieur Abiard congédie sa secrétaire, tout en pensant que si sa femme le quittait réellement il n'aurait aucune raison de ne pas proposer à sa secrétaire un coin douillet de son oreiller. A sa maison Mireille prépare soigneusement ses valises, plus question de laisser Robert lui voler la vitalité qui lui fait dire "Je suis encore jeune". En rangeant elle écarte soigneusement tous les cadeaux qu'a pu lui faire son mari. La confusion sentimentale qui règne dans son esprit n'est jugulée que par son leitmotiv : "Je ne dois plus continuer à rater ma vie avec cet homme". Elle l'aime mais elle sait qu'elle ne pourra jamais lui expliquer ce qu'elle fait, ce qu'elle est devenue. Il était pourtant si compréhensif, quand lors de leurs premières fréquentations il accepta d'endosser la responsabilité d'une faute qu'elle avait commise, il était plein de vie, il débordait de folie, c'est ce qu'aimait Mireille.

Elle se souvient de ces moment où, sur les pelouses du jardin des plantes, elle l'écoutait refaire le monde, blottie entre ses bras. Ce jour où, alors que la pluie commençait à tomber, il stoppa les voitures au milieu de la route en criant que si elle ne voulait pas de lui, il pourrait en mourir.

Lorsqu'il commença à pantoufler, à refuser de prendre un peu de retard pour payer ses impôts, à grappiller ses sous à droite et à gauche Mireille se tut. Elle continuait sur un chemin qui de plus dérivait sur une autre trajectoire. En fait si leurs trajectoires étaient rectilignes à eux deux elle n'avaient été proches qu'un court laps de temps. Celui suffisant pour qu'ils se marient. Mais, monsieur l'écrivain, pouvez-vous nous détailler un peu leur vie sexuelle s'il vous plaît, cela me parait très intéressant pour comprendre leur relation. Eh bien non je ne peux pas, je ne veux pas vous laisser aller à vos bas instincts lubriques. Surtout que leur vie sexuelle était, jusqu'à hier en tout cas tout ce qu'il y a de plus normale, et s'il y avait encore un domaine où monsieur Abiard faisait preuve d'adaptation c'est bien celui-là. Monsieur et madame Abiard en fait avaient au lit dans leur chambres des attitudes qui auraient pu leur permettre de couler encore bien des jours heureux. Seulement ce n'était pas tout pour Mireille à qui le sexe comptait mais pas plus que son envie de vivre avec lui une aventure passionnée. Ni l'un ni l'autre ne se permettrait d'ailleurs d'en étaler le moindre soupçon en public ce n'était pas un sujet tabou mais une affaire personnelle.

 

" Craignez le courroux du Seigneur quand il lira ces pages impures où traînent le sexe et la luxure."

 

Que de déclinaisons on peut trouver au verbe aimer: apprécier, partager, comprendre, pardonner, embrasser, se donner, dominer, s'équilibrer, se transformer... Ce qu'il y a de merveilleux dans ce mot c'est qu'il recouvre une notion qu'aucun d'entre nous ne domine. Qui peut être sûr d'être aimé comme il aime ? Pour Serge aimer veut dire vivre, vivre sans aimer c'est pour lui comme donner sans avoir. Gaëlle apprécie chez Serge ses envolées lyriques mais ne le voit pas dans une quelconque réalité. Gaëlle n'aime pas qu'on l'aime pour ce qu'elle montre mais pour ce qu'elle est. Quelle difficulté monstrueuse devra affronter Serge sachant que jamais Gaëlle n'accepte de montrer ce qu'elle est.

Cette après midi Véronique ne cherche pas à savoir si Anthony l'aime pour son corps ou pour son esprit, elle reçoit chacune de ses caresses comme un présent et leurs mouvements se conjuguent pour aboutir tous deux penchés sur le lit les bras de chacun deux enlaçant le buste de l'autre. Anthony sent contre lui les deux seins de Véronique bien imprimés dans sa chemise. Elle devine aisément le pénis chaud d'Anthony qui en se raidissant décrit un cercle sous son pantalon et frotte sur leurs ventres. Elle n'y voit pas comme vous actuellement un outrage aux bonnes moeurs. Ce qui peut-être outrageant c'est d'en parler, de l'écrire, d'étaler en publique ce que devrait rester un secret entre nos deux amoureux. Anthony laisse glisser ses main sur la courbe dorsale de Véronique, descend jusqu'aux fesses fermes pour enfouir ses mains dans les poches restreinte du jean. Anthony regarde Véronique, Véronique ferme lentement les yeux et les rouvre sans perdre Anthony du regard. Anthony jette un coup d'oeil à la porte et s'assure ainsi qu'on ne viendra pas les déranger. Sa main droite, extraire avec maladresse de la poche glisse sur le replis du jean pour toucher la peau. La main est froide Véronique frissonne un instant puis s'attaque à la chemise de son ami. Puis, on ne sait comment, mais assez lentement pour que cela ne paraisse brutal, notre couple se retrouve nu et ni l'un ni l'autre ne sait comment s'y prendre. Anthony, bien qu'aillant déjà vu des femmes nues à la télévision, est troublé par ce qu'il voit, par ce qu'il peut toucher. Véronique aussi a quelque étonnement, et se reprend à penser "J'en ai vu de plus gros en photos..." mais cette idée ne dérange en aucune façon son désir de "le faire".

" Et puis... je n'ai pas pensé, enfin ... je n'ai pas de capote..."

" Tu as déjà couché avec quelqu'un ?"

Anthony hésite, ce n'est pas le simple à avouer

" Et toi ?"

Véronique pense par les cours d'éducation sexuel et surtout par les détails qu'elle a eu d'une de ses meilleures amie qu'Anthony s'en apercevra.

" Non, jamais"

" Moi non plus"

" Pourquoi hésites-tu ? On a en a tous les deux envie..."

" Tu prends la pilule ?"

" Ma mère m'a obligé à en prendre quand elle appris que je te fréquentais."

" Comment le sait-elle ?"

" Je n'ai pas été assez discrète avec une cousine qui était à la maison. Mais ce n'est pas le problème. Il n'y a aucun risque, c'est notre première fois à nous deux. Faisons-le".

Et ils le font. Et c'est vous maintenant qui me réclamez une description ? Mais c'est tout naturel ma chère amie, c'est animal. Il ne faut pas étaler nos instincts animaux, il faut en faire une boule qu'on jette à la corbeille à papier. En tant qu'archéologue dévidons donc le contenu de la corbeille de Serge dans lequel tout au début de ce roman il a gaspillé vis à vis de notre conscience une lettre qu'il venait d'écrire. Oui prenons-la et défroissons-la aussi un peu.

- Je vous hais filles de bouches, à qui l'esprit ne sert qu'à écorcher nos coeurs. Femmes de demain se comportant avec nous comme avec leur rouge à lèvre, un peu ici un peu là, une petite retouche, cherchant les âmes les plus sensibles pour en découvrir les appendices. Histoire de plonger du linge propre dans une fosse à purin. Votre cerveau ne vous sert-il qu'à discuter vos rendez-vous ? Et je me hais. Je hais cette envie que j'ai de vous frotter contre moi de ne pas chercher à comprendre pourquoi. Oui il m'en faudrait une, nue devant moi, prête à recevoir toute ma haine. Mais vous fuyez, vous fuyez la profondeur, celle qui n'est pas sondée par un bout de chair dans votre vagin. Voyez-vous ce que vous faites de mon amour, de ma passion ? Un exercice d'athlétisme, une preuve de force. Absolument rien qui ressemble à de la tendresse. Et vous vous plaignez de ne pas trouver celui qui vous conviendra ? Comment pouvez-vous ? Vous l'avez certainement déjà léché que vous en avait fait un pantin. Il vous aime avec son coeur et vous le recevez avec votre langue, vous ne le reconnaîtrez pas. Il faut tirer très fort sur une langue pour en faire sortir le coeur. -

Serge a perdu Gaëlle et il en veut à la terre entière. Serge l'a perdue et il croit savoir pourquoi. Il regrette que l'amour ne soit pas qu'une affaire d'esprit, mais ce n'est pas son esprit qu'il vide dans sa baignoire en pensant à ces femmes nues qu'il a vu dans ses magazines. Mais avant de voir la suite je froisse le papier et le repose d'où il vient. Tant que nous sommes dans les fouilles sortons donc une lettre de Gaëlle, la première que Serge conserve soigneusement sous une pile de bouquins juste deux centimètres au dessus des quatre Penthouse. Ces quatres magazines dont il connaît chaque page par coeur, il reconnaîtrait en croisant dans la rue chacune des neuf mannequins nues. Mais ce n'est pas le sujet, ouvrez bien les yeux et contemplez l'oeuvre de Gaëlle.

- Comme j'aimerais te connaître d'avantage pour pouvoir partager avec toi toute l'émotion que tu sais tu sais faire naître à la fois dans tes discussions et dans tes gestes. Hier en classe d'allemand j'ai relevé ton regard amusé, et discret. Qu'il est doux ton regard. Tu voulais que je t'écrive un mot, j'ai pris mon stylo et dévidé ce qui dans ma tête raisonne de gaîté. Je voulais ce moment, celui où tu es venu me dire en face que tu m'appréciais plus que n'importe quelle autre fille de la classe. Tu m'as bouleversée. Je t'ai demandé de déplier cette lettre qu'une fois de retour chez toi pour ne pas avoir à subir les remarques de tes camarades. J'hésite, je n'y crois pas. Tu es si beau et si convoité, il y a d'autres personnes qui auraient pu te plaire, et tu m'as choisie. Ce que je ressens actuellement en pensant à toi je ne l'ai jamais connu, c'est nouveau et très agréable. Vivement demain ! -

 

Vous allez me dire que cela ne fait pas avancer la petite histoire. C'est vrai. Continuons donc la petite histoire...

 

Mireille est jeune, elle n'a que trente-deux ans. Ses dix années de mariage lui paraissent courtes maintenant qu'elle a décidé de quitter Robert. Etonnante Mireille qui possède un sens inné de la psychologie en plus d'un bagage scolaire étourdissant. Elle sait que Robert va tout faire pour la surveiller, et elle devine qu'il fera tôt ou tard appel à un détective privé. Ce qu'elle doit savoir maintenant c'est lequel. Cela a toujours été sa devise, devancer les mouvements de l'adversaire. Quand, les soirs où Robert voulait bien dégager son esprit de ses spéculations financières, ils jouaient aux échecs, Mireille dominait toujours car elle devançait chaque coup. Plusieurs fois elle laissa son mari gagner, pour ne pas lui déplaire, car elle savait en elle qu'elle aurait sans aucun doute gagné. "Robert, ne t'endors pas c'est à toi de jouer !".

La main de Robert parcourait nerveusement chacune des têtes de ses pièces pour finalement piquer sur une qui s'était égarée là par hasard. "Je n'avais pas vu la partie sous cet angle..." relançait Mireille décelant l'erreur commise... Le téléphone sonne, une voix masculine familière à Mireille ouvre le bal:

- Allô, Mireille ?

- Oui, comment ça va ?

- Bien. Je me demandais s'il serait possible qu'on se voit un soir, en effet je dois reprendre le dossier finances et j'aurais besoin de tes services.

- Tu trouves que ce n'est pas suffisant qu'on se voit au bureau ?

- De quoi as-tu peur ?

- J'ai des problèmes des personnels en ce moment. Je n'ai ni la tête à en parler ni envie de parler travail.

- Tu as besoin de te changer les idées ! Je t'invite au restaurant ?

- Seule ?

- Oui. Tes problèmes personnels, c'est ton mari, je me trompe ?

- Non, mais en quoi cela te concerne-t'il ?

- Je ne me désintéresse pas du tout de tes problèmes, Mireille. D'ailleurs tu le sais. Je pense que ce serait justement le bon moment pour mettre cela au clair.

- Et mon mari ?

- Il n'a qu'à rester à son travail.

- Comment dois-je procéder ?

- Tu le sais très bien, une femme comme toi doit avoir des moyens de persuasion.

- Et tu espères coucher avec moi ?

- Chez toi, si possible...

- Tu ne manques pas de culot !

- C'est pour cela que que tu vas tout faire pour qu'on ne soit pas dérangés.

- Tant qu'à faire, autant manger à la maison...

- Je n'en espérais pas tant. Tu me rappelles pour confirmer ?

- oui, je t'embrasse.

Et elle raccroche sans même entendre le "moi aussi" de son mystérieux interlocuteur qui n'est inconnu que pour vous. Mireille a décidé qu'autant détruire son ménage elle devait le faire dans les grandes largeurs. Et elle n'aime vraiment pas les demi-mesures. "Il va falloir t'habituer à redevenir une femme libre ma vieille ". Vais-je enfin vous faire redescendre du poteau téléphonique sur lequel je vous ai installé et ces deux fils dénudés sur lesquelles j'ai soudé le fils de votre récepteur ? Oui, car la position n'est pas des plus confortables... Mais soudain des mots sortent de votre récepteur, vous tendez la main et écrasez votre oreille contre l'écouteur et inversement:

- ... s'agit-il ?

- Société Cogimmob à l'appareil, pourriez-vous s'il vous plaît me faire parvenir par fax demain le montant du devis sur la viabilisation du septième lot ainsi que les détails juridiques s'il vous plaît.

Surprenant, c'est la voix de madame Abiard enfin de madame-encore-pour-un-soir.

- le septième lot de la Cogimmob ?

- Il s'agit de cela oui.

- Je vais chercher, patientez s'il vous plaît.

Je suis gentil avec vous moi j'écourte la pause qui en fait dure cinq minutes, vous commencez à souffrir de votre assise douteuse sur la sangle fixée à ce poteau.

- Ah, oui, vous le voulez absolument pour demain ?

- Oui

- C'est que...

- Ecoutez, il est stipulé dans le contrat que nous pouvons réclamer le devis sur huit jours après la signature, cela fait deux semaines...

- Euh, enfin vous savez nous ne sommes pas les seuls en cause, le cabinet d'Habitabô garde les prérogatives dans ce genre d'affaire.

- Eh bien faites en sorte que le devis soit sur mon bureau demain !

- J'y veillerai personnellement. biiiip

Excusez le biiiip mais je me demande pourquoi seules les bandes dessinées méritent l'utilisation de ce genre d'artifice... En parlant de bande dessinées, en rentrant dans sa chambre Serge se baisse et sort de sa petite bibliothèque un Akira qu'il a déjà lu et s'étale de face sur son lit les coudes plongeant dans l'oreille, et une main sur chaque page visible.

Le téléphone sonne dans le bureau de monsieur Abiard. Un travail urgent à faire pour demain. Il ne rentrera pas ce soir car il en a pour plusieurs heures avant de mettre de l'ordre dans ce dossier épineux. Si épineux qu'au bout d'une demi-heure de lecture il ne se demande pas si ce n'est pas un canular. Quasiment toutes les difficultés s'y trouvent. D'ailleurs, il s'interroge sur chacun des points de ce dossier qu'il a à chaque fois déjà croisé au hasards des dossiers de son armoire. Ceci n'est évidemment pas étonnant, puisque Mireille a puisé la plupart des subtilité dans les affaires que son mari lui avait confié comme difficiles à résoudre... Et bien qu'il ait fait toutes les recherches nécessaires, il va falloir un sacré travail pour finir ça demain, il pense y passer la nuit. Heureusement le contrat est clair et puis il a réussi à négocier une prime s'il rend ses conclusions demain. Robert tend la main pour décrocher le téléphone puis se ressaisit : "Elle ne m'a pas prévenu elle lorsqu'elle est partie hier au soir. Elle va comprendre ce que c'est que d'être seule dans un lit froid. Je dormirais à l'hôtel."

 

Me permettrais-je de souligner l'habileté avec laquelle madame Abiard manipule son mari par société interposée. Elle a joué ici une carte de taille puisqu'elle n'a plus que deux dossiers en cours à proposer à son mari par l'intermédiaire de la Cogimmob. Elle n'a en fait travaillé pour cette société dans

l'unique but d'avoir quelques moyens de pression sur son mari. C'est déjà son premier dossier qu'elle utilise. Elle espère que cela va valoir le coup ! Ah j'oubliais, je vous redescends enfin de votre perchoir...

 

Malcom ferme à clef son bureau qu'il sait sous alarme. Son ami l'attend chez lui, il se presse car il n'a pas envie de le faire attendre surtout qu'il ne sait pas faire correctement à manger. Oui, vous avez bien lu, son ami, pas son amie. Malcom, ou plutôt maintenant que nous le connaissons un peu, Jean a mis longtemps avant d'accepter ce qu'il croit être maintenant sa vérité. Jean n'a jamais trouvé avec une femme ce qu'il a jour après jour avec son ami. Jean est ce que nous appelons un homosexuel, ce que lui même appelle un homosexuel. Mais contrairement à vous Jean ne se juge pas anormal, il se juge extrêmement lucide et même un peu supérieur aux autres par la qualité de ses sentiments. Il n'y voit aucun mal mais évite de trop se montrer en public. De toute façon il a absolument les même scrupules que son ami et tous deux partagent une amitié particulière que seule pourraient peut-être comprendre des jumeaux en excluant évidemment l'aspect sexuel. Ce sera d'ailleurs un argument de taille dans les mains de Mireille. Un coup de plus en perspective dans cette partie d'échec qui alimente la petite histoire.

 

Le repas est sinistre. Ces derniers temps Julien arrivait souvent en retard au repas et quittait la table sans même avoir aidé au débarrassage. Ses parents, seuls puisque son frère est en internat, mangent en silence. Monsieur Bailles frotte lentement ses mains tandis qu'il regarde sa femme. Il se dit qu'elle a pris en un journée un coup de vieux infernal. Ses rides que le fond de teint dissimule aisément en temps normal s'obscurcissent démesurément. Mais on est plus apte à voir la paille dans l'oeil du voisin que la poutre... De longues poutres en bois vernis apparent surplombent justement leur tête et traversent la pièce lui conférant le charme d'une discrète chaumière. Les traits tirés de monsieur Bailles trahissent une nuit d'insomnie. Même le dernier Sullitzer, pavé monstrueux, n'est pas venu à bout de sa tension nerveuse.

 

Est-ce un poète ?

 

Dérisoire, la poésie doit retrouver sa place dans nos esprits si cartésiens. Elle est inutile direz-vous, inconsistante et n'apportant aucune explication. Et la beauté, la pureté des formes, l'élégance des lignes, le volume d'une coiffure joliment colorée, apporte t'elle plus ?

La poésie doit apporter à l'esprit ce que la toilette apporte au corps. Que de mots pour vous démontrer l'indémontrable. Analyser toutes les réalités est louable mais disséquer le superficiel est non seulement une perte de temps mais brise aussi la magie de l'inexplicabilité. C'est ce que je fais. A quoi bon, je ne serais donc à vos yeux qu'un joyeux illuminé, un fou épris de liberté.

 

Rire cocasse brisant le silence nocturne

Le cri de la chouette s'envole et atteint la lune.

Dans une chambre encore chaude

l'étudiant s'endort sur une page de calculs.

Ses pensées s'abîment dans ses yeux

sa raison s'éclipse pour laisser enfin place

à un doux rêve lent s'éternisant de beauté.


Carcasse lisse pneu crevé.

Mollusque émérite

Etrusque sous une coquille

Et des pâtes bien salées.

 

Surpris par un soleil matinal : le réveil.

Une tête aussi peu claire que l'eau de vaisselle.

Et ma pendule ? Elle s'enrhume.

Point d'aube merveilleuse, il faut se lever.

Un café, que de monde sur la chaussée !

Aujourd'hui je m'envole.

A quelle vitesse dois-je monter pour

Attraper ... le cri de la chouette ?

 

Vous aimez le vert ?

Mon stylo saigne sur sa feuille

Pour une cause qu'il ne croit pas juste.

Pourquoi doit-il se vider ?

Pour tant d'inutilité ?

 

 

 

" Julien, pourquoi mon fils ?", et vient à l'esprit de monsieur Bailles ce fameux "Ca n'arrive qu'aux autres...". Monsieur Bailles refuse de verser une larme en présence de sa femme "Il faut bien que quelqu'un ici garde la tête froide" qui a les yeux rougis pour se les être frottés. Cela ne vous intéresse pas, de l'action, oui de l'action. Tout cela n'est que du bavardage.

 

Anthony embrasse une dernière fois Véronique et ferme la porte pour enfin rentrer chez lui. Il va devoir s'expliquer auprès de ses parents. Il a une excuse toute faite "Un copain s'est tué en voiture".

 

Mathieu embrasse goulûment Cathia. Il ouvre la porte et elle l'attire dans sa chambre. Elle n'a pas d'explication à trouver pour qui que ce soit, cet appartement, elle le loue..

 

Ce coup-ci madame Gros rappelle Serge pour manger.

 

Dans son bureau monsieur Abiard rédige une petite note qu'il va poser sur la table de sa secrétaire. " Et si on discutait de votre augmentation demain soir au restaurant ? Ce serait l'occasion de nous connaître différemment."

 

Le bruit électronique de la sonnette résonne dans le grand appartement du couple-qui-doit-se-séparer. Quand Mireille ouvre, un grand homme a l'allure musclée lui tend un bouquet enrobé d'une mince feuille plastique. Son visage très carré est rehaussé par d'épais sourcils et s'ouvre par un sourire radieux. L'autre main contient une bouteille de Moët et Chandon qu'il sera obligé d'appliquer contre le dos de Mireille lorsqu'elle viendra l'embrasser. Cela faisait longtemps que Mireille n'avait pas embrassé un autre homme que son mari, une éternité en fait.

" Je peux poser tout ça ?"

" Mais ne te gène pas, pose le bouquet sur la commode je le mettrai dans un vase."

" Et maintenant ?"

" suis moi."

Il la suit jusqu'au salon dans lequel une lampe à éclairage variable donne le ton romantique à la table ronde préparée pour un tête à tête amoureux. Elle s'assoit la première après avoir baissé le son de la musique de fond.

" On est amené à travailler plus étroitement ensemble, j'aimerai connaître plus de choses de toi" dit-elle en le fixant sensuellement

" Finies alors les relations strictement professionnelles ?"

Mireille avance sa main sur celle de son nouvel amant prête à saisir la fourchette et la rapproche du centre de la table.

" Est-ce si important ? "

 

Le ciel sombre d'une nuit approchante quadrillée par les lumières clairsemées des étages encore illuminés de la Défense est soudainement dérangé par une lueur rouge s'échappant de la fenêtre d'un bureau. Un catastrophique souffle tourbillonnaire incandescent éjecte par la seule fenêtre de son bureau monsieur Abiard ainsi qu'une partie de son mobilier. La porte donnant sur le bureau de la secrétaire s'ovalise puis brisée en deux parsème la pièce mitoyenne. Un pan de mur vraisemblablement plus faible que les autres s'affaisse sur une pièce inoccupée d'un appartement. Le bruit des fourchettes raclant le reste de nouilles au gratin s'accompagne d'une une déflagration soudaine, les assiettes bondissent de la table, la bouteille de vin rouge se répand sur la nappe et on entend le bruit de carreaux cassés. "Qu'est-ce qu'il y a maman ?" dit le tout jeune blondinet en se blottissant contre le genoux de sa mère toute proche. Les petits morceaux carbonisés de dossiers retombent très lentement sur le sol. L'explosion a tout de suite écrasé la cage thoracique de Robert et en passant au travers de la fenêtre d'innombrables blessures lui recouvrent le dos. Les derniers débris atteignent le sol après avoir croisés huit étages. La pièce s'éclaire au jaune, une épaisse fumée noire s'échappe. La famille Renart, le père en tête sort immédiatement prévenir qu'un accident à eu lieu en dessous. C'est inutile, déjà des occupants ont prévenu le service de sécurité. Le feu est maîtrisé après avoir avalé l'appartement voisin. Des passants attardés sont terrifiés par ce qu'ils voient. Aucune description anatomique serait à la mesure de cette monstruosité. La rue est piétonnière et des brancardiers doivent transporter le corps dans un long sac jusqu'à leur ambulance, qui en l'occurrence fait office de corbillard. Le service de police spécialisé parcours derrière les pompiers la pièce afin de s'enquérir du motif de l'explosion. " Il ne s'agit pas d'un accident " présente laconiquement le brigadier chef des pompiers à un homologue moustachu. Les pieds des policiers font craquer les petits morceaux de verre. Un policer note sur son carnet le petit mot de monsieur Abiard à sa secrétaire.

" Connaissez-vous la personne qui travaille ici ?"

" Je l'ai entrevu plusieurs matins, son nom est sur la boîte aux lettres". repond monsieur Renart en se grattant ostensiblement le sommet du crâne, vous savez, la zone que personne n'arrive à coiffer car tous les cheveux semblent en sortir. "... Mais je ne connais pas son nom, allez voir sur sa boîte à lettres.". "Habitabô ? Mais qu'est-ce ?"

Mais voilà le problème, il n'y a pas assez d'informations pour savoir à qui appartient cet appartement visiblement équipé comme un bureau. "Regroupez tous les papiers encore en état d'être lus"

 

Sur son bureau Serge en fouillant bien retrouve on cahier à petits carreaux qui lui sert de journal philosophique. Par dessus son épaule vous distinguer ce qu'il est en train d'écrire:

- Profitons de nos envies tant qu'elles ne sont pas obscurcies par notre moralité. Tristesse qu'est la banalité. Ces mots, ces phrases que je couche si maladroitement sur cette feuille peuvent être les derniers. Aurais-je toujours l'impression de me faire plaisir en écrivant ? Mon scientifisme finira peut-être par achever mon lettrisme. Le processus est déjà engagé et l'orthographe la première touchée. Oh le doux bruit de la pluie, sur les murs et sur les toits...

"J'aime ce que j'aime avec amour"

Quels philosophes se battent encore pourquoi l'homme est ? Mais pour aimer évidemment pour tout aimer et pour commencer pour aimer vivre.

Quelle méchante bête m'ôtera le droit d'aimer ?

Le jour où je n'écrirais plus, le jour où je ne parlerais plus de moi, ce jour-là oui ce jour-là je serais devenu aussi insensible qu'un ordinateur, aussi rapide à la réflexion aussi puisqu'aucun désir ne viendra troubler mes pensées.

Mais vous n'en avez rien à faire. Vous tous qui voulez dire ce que vous ne pouvez. Allez-y, dites et nous allons alors avancer vers un peu plus d'humanité. Je vous écoute, parlez de vous pour m'excuser de ne parler que de moi et ne m'en blâmez pas. Tous, on devrait tous s'accepter dans notre propre perfection et le clamer bien fort "Je suis le meilleur". Beaucoup de ceux qui ne le disent pas attendent qu'on le dise pour eux. Il n'y a pas de mal à dire ce que l'on a bien fait puisqu'on l'a fait. Et puis tant que j'étale ma façon de penser sachez qu'il n'y a pas de fatalité. Il n'y a pas non plus d'ordre de priorité ni de logique morale dans la destinée. Nous cherchons tous à être heureux et ce serait si simple si nous n'envions pas le bonheur des autres. Et la justice ? Voyez-vous une justice naturelle ? Elle élimine les faibles et valorise les forts. Est-ce votre vision de la justice ?

La naissance est une injustice, le sexe est une injustice, l'amour est une injustice, l'amitié est une injustice, l'argent est une injustice, la maladie..., la mort aussi et injuste. Elle frappe au hasard sans réfléchir. La justice serait l'égale répartition du bonheur. Et si la vie est une somme d'injustice à nous de les équilibrer pour les rendre justes. -

Sur ce Serge se coule doucement dans son lit déformé et encore chaud de sa lecture de tout à l'heure.

 

Chez madame Abiard le repas est fini. Elle ne sait pas grand chose de plus de son ami si ce n'est qu'il vraiment prêt pour "le grand frisson" comme aimait lui susurrer ex-monsieur Abiard. Ce qui se passe dans cette chambre je vous le laisse imaginer. N'importe quel film actuel est en mesure de vous le montrer. Mireille se rend compte que son mari avait beaucoup d'attitudes attentionnées qu'en a son amant mais son amant a cette force et cette virilité qui ne la fait pas réagir comme à l'accoutumée. Ce moment où, gémissante, Mireille sent pointer un orgasme si impressionnant et si inattendu n'est pourtant pas une expérience qu'elle juge de valorisante. Elle a l'impression curieuse de s'être fait abuser, qu'on a provoqué cela bien malgré elle. Elle regrette son mari et se dit que c'est la dernière fois qu'elle tentera cette expérience avec quelqu'un d'autre. En son for intérieur elle se ressent comme violée. " Nous ne sommes pas fait pour vivre ensemble et puis qu'elle idée, tromper si indignement son mari parce qu'il a décidé d'apporter à mon ménage plus de tranquillité que d'inconscience.". Mireille se relève, se rhabille en même temps que son amant d'un soir et le congédie assez brutalement sans même s'apercevoir qu'il n'y porte aucune attention. Assez énervée contre elle, elle jette le bouquet dans vide ordure. Les remords la rongent, elle sent qu'elle a fait une erreur impardonnable, mais elle veut le dire à son mari, s'en excuser tout lui expliquer pourvu qu'il pardonne. Peut-être vient-t'elle aussi de s'apercevoir qu'elle ne peut aimer qu'on homme: Robert. Elle décroche le téléphone pour l'appeler, mais à l'autre bout, le combiné fondu ne soufflera mot de son appel. Personne ne décroche puisque la sonnette ne siffle pas. Mireille se couche avec une angoisse énorme pour demain. Elle ne débarrasse pas elle veut que Robert voit.

 

On pose des bandeaux de scotch croisés sur le trou s'offrant à la fraîcheur de la nuit et vers deux heures du matin on pose les scellés. Un policier restera en faction. " Tant que vous êtes dans les travaux passez la ligne sur un répondeur du commissariat..."

 

Allons chercher un peu de calme dans cette nuit où tout le commissariat est en effervescence dans l'immeuble de Serge à Cergy préfecture. Au travers de mes lunettes pour hypermétrope je vois la porte en verre à deux battant de l'entrée. En fermant les yeux et en rassemblant dans mon esprit toute ma puissance télékinésique je me téléporte avec l'immeuble dans l'espace réduit d'une feuille jaune. je réduis l'immeuble à la taille d'une caisse à pomme de terres. Puis n'étant intéressé que par l'appartement de mon personnage je me muni d'une scie à petites dents et découpe avec vigueur ce parallélépipède en deux égaux. Je garde le morceau de droite dont je ne coupe que le troisième et le quatrième étage. Puis je coupe dans la tranche pour éliminer l'appartement d'en face ainsi que le reste de la cage d'ascenseur. Je pose le tout sur une table de billard et au moyen d'un phaseur homothétique triple sa taille. Par une perspective cavalière j'aperçois d'abord un mur de béton coupé dans la tranche et à 90 degrés la face avant de ce que l'on pourrait voir de l'appartement de Serge de l'extérieur. Cet appartement ainsi que les autres de cet étage ont cela de particulier qu'ils s'étendent sur le quatrième étage. En fait l'appartement est un Duplex. En haut trois fenêtres s'ouvrent sur l'intérieur, en bas à gauche une large porte fenêtre donne sur un balcon, plus à gauche une lucarne éclaire la cuisine de l'ambiance de la salle de billard dans laquelle je me trouve. Je tourne l'appartement face à moi et j'enlève le pan de mur qui m'empêche de voir à l'intérieur. De droite à gauche, tout d'abord la cuisine aménagée dans l'évier duquel une casserole trempe, puis le corridor d'entrée, et le salon qui monte vers les étages par un escalier étroit. Pour plus de simplicité je place sur le dos de Dodo une minuscule caméra, c'est évidemment dur et je dois m'y reprendre à plusieurs fois. Puis je suis sur mon écran le parcours de Dodo, oui je l'ai déjà dit je préfère les images à la réalité, comme un petit enfant qui s'aperçoit que jamais il ne pourra voyager plus vite que les images. Je lance Dodo dans la pièce, elle s'envole par les escaliers qui montent au grenier, la première porte à gauche donne sur la chambre de madame Gros, la seconde sur celle de Serge. Aucune clé dans la serrure permet à Dodo de rentrer. Heureusement que la salle de billard est éclairée... Dans son lit Serge a débordé les draps qui le recouvrent que sur les trois quarts de son corps. La lumière quadrillée par les bordures des carreaux le coupe en trois morceaux visibles. Il dort paisiblement, en augmentant le son de mon poste je l'entends respirer. " Ne t'approche pas trop prêt Dodo il pourrait se réveiller".

 

Dans une autre maison, bien encrée dans la cité celle-là Gaëlle dort. Je resterai des heures à la regarder sans qu'elle me voit, comme ça, et de m'éclipser avant qu'elle ne s'en doute. Gaëlle est infiniment belle dans son sommeil. Vous n'aurez pas sa description, elle est personnelle. Si je prête à Gaëlle des pensées inventées je ne lui prête pas son physique. Elle ressemble en tous points à la seule fille qui fait battre plus fort mon petit coeur malicieux. Doit-elle se reconnaître ? Je l'espère. Et si elle pouvais revenir vers moi comme je ferai revenir Gaëlle vers Serge, je serais capable de ressusciter la terre entière y compris Julien pour lequel Sophie s'est découverte amoureuse et Robert dont madame Abiard n'est pas encore au courant de la volatilisation soudaine. C'était, excusez-moi, un petit message personnel, qui motive tout ce flot d'inutilité apparente. Elle se reconnaîtra j'en suis sûr. Mais vous, vous là si vous n'êtes pas -elle- avez-vous le sentiment de lire quelquechose qui ne vous est pas destiné ? Vous avez tort, si je l'ai écrit c'est pour que ce soit lu, et si je ne crie pas mon pour -elle- à la face du monde c'est uniquement qu'-elle- ne le veut pas. Dites-le franchement, ce bouquin vous emmerde profondément. Eh bien fermez-le alors et n'y revenez plus mais avant sachez remplacer ce moment d'inutilité par des lectures enfin profondes. Ou bien écrivez, écrivez des lettres à vos amis, vivez, faites-vous connaître, déversez à la face du monde ce que vous êtes. Vous méritez mieux que de vous terrer dans votre coin en regardant vos compatriotes des transports en communs. Et puis dites-vous que vous contribuez à une bonne action, en écrivant ce livre et en me présentant dans ces deux paragraphes je déverse mon angoisse d'avoir laissé filer la seule personne qui a emprunté mon coeur. Tout n'est qu'histoire ? Invention ? Et si vous vous trouviez piégés dans mon livre incapable d'en sortir en seriez-vous toujours convaincus ? Croyez vous cela impossible ?

Dans toutes les éditions cette page à son ouverture diffuse un gaz très toxique car l'éditeur a décidé d'éliminer tous ceux qui sauraient qu'il a détourné de l'argent en suisse.

La page 31 d'une des éditions contient dans le quatrième S un microfilm que personne ne doit découvrir. Quatre ingénieurs de Matra ont déjà payé pour le retrouver et faire disparaître les traces.

Revenons à la réalité un peu, ce que tout le monde cherche maintenant ce sont les échantillons d'énergitophème, ce médicament miracle. Deux de ces échantillons étaient dans le portefeuille de Julien avant son accident. Ceux-ci ne sont pas perdus... Par un fait simple. Tournez les pages, revenez en arrière dans le livre et profitez de la fin de l'accident pour récupérer le portefeuille de Julien. Allez-y je compte sur vous. Vous êtes revenus, c'est bien bon et bien maintenant prenez-le et déposez-le dans le bureau carbonisé de monsieur Abiard sur le téléphone de Justine, sa secrétaire... L'histoire peut donc se poursuivre. Si vous n'avez pas joué le jeu, je n'y peux rien mais la suite deviendra folle à vos yeux si elle ne l'est pas déjà.

 

Justine, la secrétaire du défunt Robert-Abiard, arrive très à l'heure à son bureau.. Elle n'a aucune surprise en le voyant sous scellés, elle s'y attendait puisque c'est elle qui a déposé la bombe. Ce qu'elle ne sait pas c'est qu'elle a éliminé monsieur Abiard. Elle pense que son devoir était de faire disparaître des documents compromettant et non de faire disparaître un homme qu'elle trouvait d'ailleurs charmant. La surprise de sa mort sera certainement aussi dure pour elle que pour Mireille, la femme encore pleine de regrets de son infidélité. Alors que Justine sort de son sac un rouge à lèvres, pensant encore sourire à l'arrivée de monsieur Abiard, un policier vient à sa rencontre. " Pardon, vous connaissez ici ?"

" J'y travaille, enfin quand ça n'est pas fermé. Que c'est-il passé ?"

" Un feu inexpliqué"

" Des blessés ?"

" Une personne a été tuée par l'explosion. Vraiment pas beau à voir..."

Justine est sciée, elle balbutie maintenant.

" De qui s'agit-t'il ?"

" Vous allez certainement nous aider à le savoir, il était visiblement dans son bureau."

" Monsieur Abiard ? C'est impossible il ne devait pas être là hier-soir..."

" Ecoutez, suivez-moi simplement au commissariat. Nous allons prendre votre déposition".

Dés l'ouverture des bureau le renseignement du registre du commerce arrive sur la table du divisionnaire. Il s'agit de la société Habitabô, il peut s'agir de deux personnes Justine Cepeaux ou bien Robert Abiard. Une recherche sur ordinateur car les Abiard sont dans la liste rouge confirme l'adresse de monsieur Abiard. C'est après seulement qu'il se dirige vers la machine à café où il croise un de ses collègues avec Justine.

" Je pense savoir qui est le mort..."

" Moi aussi, un certain Robert Abiard".

Justine pâlit, elle ne comprend plus, mais que faisait-il là à cette heure ?

" On envoie qui pour prévenir sa femme ?"

" Je ne veux pas y aller, j'ai horreur des chialeuses..."

A partir de maintenant tout est dans les mains du commissaire principal. Il ne tarde pas à découvrir à l'aide des renseignements généraux les soupçons qui pèsent sur madame Abiard.

 

Le réveil de madame Abiard par deux policiers qui viennent la prévenir de la mort de son mari n'est pas des plus agréables. Après les avoir renvoyé à leurs occupation Mireille s'écroule dans un fauteuil. Elle voudrait pleurer, mais elle est dure avec elle-même, elle ne veut pas se sentir faible et surtout elle ne veut pas se laisser sombrer. Immédiatement elle relie les causes et les effets. La première conclusion qu'elle tire est qu'il s'agit d'un homicide bien que les policiers aient seulement sous-entendus l'aspect volontaire de l'accident. Elle part de la possibilité que quelqu'un veuille lui faire porter le chapeau. Cette personne pour avoir combiné son coup devait savoir au moins l'histoire du détective et celle du dossier immobilier pour poser la bombe au bon moment. Et dans ces personnes il peut y en avoir deux : la secrétaire de son mari et son amant. En poussant la réflexion elle se dit que son amant qui est sous ses ordre et payé indirectement par elle ne peut risquer une telle aventure. Et puis si elle ne peut pas dévoiler qu'elle était avec lui donc ne peut pas s'en servir d'alibi, lui non plus. Pour elle aucun doute: il s'agit de la secrétaire. Elle doit endiguer l'affaire, certaine qu'elle est ou sera sur écoute elle décide de mettre au point une histoire qui tienne debout. Et puis il y a l'agence Malcom, il faut qu'elle s'y rende avant que Malcom classe le dossier puisque monsieur Abiard ne peut plus la payer. Elle compte un peu sur la curiosité de Malcom pour poursuivre néanmoins ses recherches, afin de l'aider elle à troubler les pistes de la police.

Tout le monde peut se tromper !

 

Vous qui trouvez que ce roman avance trop lentement, que le temps s'éternise sur des futilités, pour vous je laisse trois jours s'écouler. Nous sommes donc Lundi, la vie reprend après un Week-end bien mérité...

 

Malcom aussi s'enchante d'avoir pris le pas sur la police, car il connaît le différent qui sépare madame Abiard de son mari, et puis il a une longueur d'avance puisqu'il a fait surveiller l'appartement de madame Abiard dès qu'il a eu fini de consulter le dossier. Il se doute de ce qui a pu se passer dans l'appartement. Hélas il regrette profondément de n'avoir pas eu le temps d'installer une écoute téléphonique assez tôt, mais seulement Samedi. Après quelques coup de fils, il réussit à apprendre sur quel dossier travaillait monsieur Abiard. Il apprend aussi que ce n'est pas une personne de la société qui l'a demandée puisque cette société... a changée d'adresse. Finalement ce matin, à l'aide du dossier de Mireille Abiard, il fait le rapprochement rapidement. Simpliste trouve-t'il vraiment simpliste." Et cet homme, une simple couverture, un alibi bien préparé". Mais il devait s'agir d'une bombe vraiment particulière car aucun des spécialistes n'a encore trouvé un quelconque ressemblance avec des engins existants. Il devait s'agir d'une bombe à retardement, donc l'alibi devient inutile. En fait si nous étions dans le bureau d'analyse nous comprendrions leur désarroi. Le chimiste en chef est malade et il a égaré les clefs de l'armoire contenant les dossiers de tests. Dans l'attente ses collègues ont préféré dire que l'analyse nécessiterait plus de temps, car le produit était difficile à reconnaître... Et puis ils sont toujours pressés, il faut du temps pour donner des certitudes et des détails.

 

Vous qui avez suivi l'affaire dés le début vous commencez à vous demander sérieusement qui peut-être l'instigateur d'une telle machination, car il s'agit bien d'une machination. Les rouages sont complexes et personne ne sait vraiment s'il tire les bonnes ficelles ou les bonnes conclusions...

 

Mais que vient faire Serge là-dedans ? Il espère toujours que Gaëlle va lui revenir. Il ferait tout pour cela. Comme je place la phrase vous iriez imaginer qu'il est l'instigateur. Vous avez tort, il ne sait rien de cette affaire. Ce que je n'ai pas encore précisé c'est le lien de parenté entre Mireille Abiard et monsieur (il aime bien qu'on l'appelle monsieur) Serge Gros. Simple, Mireille est la tante de Serge. La soeur de madame Gros si vous voulez. Mireille a trente deux ans et sa soeur aînée Martine qui est par conséquent la mère de Serge en a trente neuf.

Alors qu'il mange avec sa mère, Serge est dérangé par le téléphone. Il se lève et décroche en espèrant très intensément qu'il s'agira de Gaëlle. Son coeur bat un peu plus vite déjà.

"Allô ?"

" Allô... Serge ?"

" Bonjour tu me reconnais c'est Mireille "

" Oui bien sûr, bonjour..."

Son coeur reprend sa vitesse normale.

" ta mère est là ?"

" Oui."

" Peux-tu me la passer s'il te plaît ?"

"Maman, c'est pour toi, c'est Mireille...".

En revenant à table la mine déconfite de Martine attire une question. " Qu'est-ce qu'il y a ?". Martine regarde Serge dans les yeux " Robert est mort ". Serge ne sait que dire, il ne connaissait pas bien Robert, mais il sent que ça affecte sa mère, alors il prend une mine grave.

Et Serge sera le premier à trouver curieux la coïncidence des deux morts, celle de Julien et celle de Robert en moins d'une semaine. Et, bien qu'elles n'aient pas la même nature, cette remarque va le mener au centre de la petite histoire. Mais soyez patient, les briques s'empilent régulièrement.

" C'était bien ta petite fête de Vendredi ?"

" ouais"

" Il sont bien gentils les parents de Stéphane de t'avoir gardé à manger chez eux ce Week-end. Il faudra que je les en remercie."

" Ce n'est pas la peine..."

La fourchette que tient Serge dans sa main est avalée par la purée. Il porte son contenu à sa bouche et pousse le tout avec une pression de sa langue contre son palais dans sa gorge.

" Je t'aurais bien offert quelquechose mais tu n'ai jamais content, alors j'ai viré un peu d'argent sur ton compte."

" Tu as versé combien ?"

" Tu verras bien. Assez pour un jeune de dis-sept ans. Tu grandis vite, je ne vois pas le temps passer."

Serge plonge une nouvelle fois sa fourchette dans sa purée qui a refroidi.

" Gaëlle est venue ?"

" En quoi cela peut t'intéresser ?"

" Toujours aussi susceptible quand on parle de Gaëlle ?"

" Elle n'est pas venue."

" Vous êtes en froid ?"

" Et toi avec papa, vous êtes en froid aussi ?"

Martine baisse la tête, elle a tort, elle se rend coupable aux yeux de Serge de ce qu'elle n'a pas voulu.


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